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Combien coûte et/ou rapporte un immigré ?

Aujourd’hui deux candidats à la présidentielle (et des millions de Français avec eux) s'étripent sur ces questions somme toute symboliques. Car au niveau politique, on sait bien que les votes immigrés seraient rarissimes et sans conséquences. Quant au niveau économique, chacun fait et refait ses petits calculs dans le seul but de faire des discours électoralistes. Au prix de l’humanité, perdue en route. L'immigré, qu'il soit refusé ou réclamé, est de toute façon stigmatisé, il n'est n'est qu'un moyen, ustensilisé (je n'aime pas ce jargon philosophique, mais il s'agit bien de cela : transformer un homme en outil) au nom de l'intérêt de ceux qui s'en servent !


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Si vous tapez « combien coûte l’immigration » sur Google, vous aurez 500 000 résultats. Certains sont plus précis : combien coûtent les Noirs ? Les Arabes ? Et les musulmans ? Et les Juifs ? Souvent, des solutions sont proposées (simplistes, comme le slogan nazi de 1931 : « 500 000 chômeurs, 400 000 Juifs, la solution est simple »). Bizarres solutions qui accusent une catégorie d’hommes d’être responsables du problème : les voilà bouc-émissaires, et on tapera sur eux avec d’autant plus de rage qu’ils sont innocents.

Si vous tapez « combien coûte un enfant » sur Google, vous avez deux fois plus d’occurrences. Et bizarrement beaucoup moins de solutions radicales : les suggestions d'abandons ou d’infanticides sont rares. Ce sont pourtant des bouches improductives qui viennent manger notre pain dans nos propres foyers…

Très concrètement, si on cessait de faire des enfants, on économiserait des milliards en nourriture, en éducation (tous ces fonctionnaires qu’on ne paierait plus !) etc. On n’aurait qu’à importer des diplômés déjà faits. N’est-ce pas un bon calcul ? Plus de couches à changer, de nuits d’insomnies, de crèches, d’écoles, collèges, lycées, universités, etc. Et finis les échecs scolaires : on n’importerait que des immigrés choisis, sélectionnés selon leurs compétences, en fonction de nos réels besoins ! La vie politique serait tellement plus facile, le capital humain tellement mieux géré !








Trêve de plaisanterie, les débats sur le statut des étrangers, interminables, sont stériles en période électorale. Que l’immigration coûte et/ou rapporte, les arguments économiques sont fallacieux, à gauche comme à droite. Ils empêchent de croire en l’Homme, rien que ça. Il y a une chose qui n’a aucun prix écrivait Kant : c’est la dignité. Et il serait tout autant inhumain de dire à un homme (sans même savoir s’il est Noir, Arabe, Musulman, Enfant, Femme, Vieux, ou Autre) : « pars puisque tu nous coûtes » ou « restes puisque tu nous rapportes » ! L’Humain doit être considéré comme ayant une valeur en soi. Une valeur incalculable, une valeur incomparable, une valeur indiscutable : une valeur morale. Le considérer comme un capital, comme un moyen, est inhumain. Et le cynisme est le comble de l'inhumanité : lui dire qu’après avoir ruiné sa santé en construisant nos routes et nos maisons, après avoir fait notre ménage, bref après nous avoir offert infrastructures, confort et hygiène, il n’a plus qu’à retourner crever dans le pays qu’il a fui, c’est lui refuser la valeur même d’un esclave. Par économie !

Mais pourquoi argumenter ? C'est une perte de temps et d'énergie. Ces lignes ne convaincront personne. La force d’un préjugé dépasse toute raison. Depuis Descartes on sait qu’une passion ne se peut vaincre par la raison. Seule solution : la remplacer par une autre passion, moins débile, plus utile. La passion ne croit qu’en elle, elle n’a que faire du savoir. Alors entrons résolument dans la passion. Et tant qu’à faire, choisissons nous la belle. Passionnons nous pour l’amour plutôt que pour la haine, l’accueil plutôt que l’inhospitalité, la bienveillance irréfléchie plutôt que la malveillance cynique. Préférons la joie de croire en toute innocence que OUI la nature humaine est bonne (titre d'un fameux bouquin d'Olivier Maurel, à lire absolument).

Disons OUI, sourions, avançons main tendue. Croyons en l'Homme. D'emblée. En tout Homme. Ne calculons plus rien. Car le calcul glace l’humanité. Rappelons nous le "Monsieur Cramoisi" du Petit Prince, qui se vantait de passer ses journées à faire des équations : « je suis un homme sérieux, je suis un homme sérieux », répétait-il, quand, gonflé d’orgueil, il s’évertuait à passer le plus clair de son temps à l’obscurcir. « Mais ce n’est pas un homme, c’est un champignon !» hurle le Petit Prince qui veut qu’on s’occupe enfin de choses sérieuses : le cœur, promis à sa fleur, a ses raisons. L'humain sera poète ou ne sera plus. Seul le cœur compte. Qui bat et se bat.
Quand on aime, on ne compte plus.



François Housset

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Le grand bond en arrière



"Les mouette naquirent des mouchoirs qui disent adieu dans les ports."
Ramon Gomez de la Serna Greguerias

“Les hommes éveillés n’ont qu’un monde, mais les hommes endormis ont chacun leur monde.”
HÉRACLITE

"L'exil, c'est la nudité du droit"
Victor Hugo. Correspondance avec P. J. Hetzel.

“Les barbares sont ceux qui croient que les autres, autour d’eux, sont barbares. Tous les hommes sont égaux, mais tous ne le savent pas ; certain se croient supérieurs aux autres, et c’est en cela précisément qu’ils sont inférieurs ; donc tous les hommes ne sont pas égaux”
Tzvetan Todorov, Nous et les autres

"L'étrangeté de l'immigration, c'est l'étrangeté dans l'histoire".
Nabile Farès dans la revue Esprit, juin 1985.

"Dans certains pays, l'exil est la peine la plus douloureuse ; dans d'autres, il est des citoyens qui doivent lutter pour l'obtenir.
Stanislas Jersy Lec Pensées échevelées.

“L’honnête homme (...) n’est-il pas soutenu par la conscience d’avoir maintenu et honoré en sa personne la dignité propre à l’humanité, de n’avoir pas à rougir de lui-même et de ne pas redouter le regard interne de l’examen de conscience?”
Kant Critique de la raison pratique. Ak. V 88

“Si c’est être étranger au monde que de ne pas connaître ce qui s’y trouve, ce n’est pas être moins étranger aussi que d’ignorer ce qui s’y passe. C’est un exilé, celui qui s’éloigne de la raison sociale; un aveugle, celui qui tient fermé l’œil de l’intelligence; un mendiant, celui qui a besoin d’un autre et qui ne tire pas de son propre fonds tout ce qui est expédient à sa vie. C’est un abcès du monde, celui qui se détourne et se met à l’écart de la raison de la commune nature, par ce qu’il est mécontent de ce qui lui est survenu, car la même nature, qui amène ce qui survient, est celle qui t’amena. C’est un membre amputé, celui qui retranche son âme particulière de celle des êtres raisonnables, car l’âme est une.”
Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, livre IV, XXIX





J’suis pas un imbécile : je suis douanier !

J’suis pas un imbécile ! Moi, j’aime pas les étrangers ! Non !
Parce qu’ils viennent manger le pain des Français !
Oui ! J’aime pas les étrangers !
C’est vrai, c’est comme ça, c’est physique !
Et pourtant, c’est curieux, parce que, comme profession, je suis douanier ! Alors, on devrait être aimable et gentil avec les étrangers qui arrivent !
Mais moi, j’aime pas les étrangers !
Ils viennent manger le pain des Français !
Et j’suis pas un imbécile ! Puisque je suis douanier !
Je peux écrire ce que je veux sur des papiers, j’aurai jamais tort ! J’ai le bouclier de la Loi ! Parce que je suis douanier ! Je peux porter plainte contre n’importe qui, je suis sûr de gagner en justice ! J’suis pas un imbécile ! Je suis Français ! Oui ! Et je suis fier d’être Français !
Mon nom, c’est Koulakerstersky du côté de ma mère et Piazanobenditti, du côté d’un copain à mon père !
Dans le village où j’habite, on a un étranger. On l’appelle pas par son nom ! On dit : « Tiens ! v’là l’étranger qui arrive ! » Sa femme : « Tiens ! v’là l’étrangère ! » Souvent, j’lui dis : « Fous le camp ! Pourquoi qu’tu viens manger le pain des Français ? »Un étranger !...
Une fois, au café, il m’a pris à part. J’ai pas voulu trinquer avec lui, un étranger, dites donc ! Je vais pas me mélanger avec n’importe qui ! Parce que moi, j’suis pas un imbécile : je suis douanier !
Il m’a dit : « Et pourtant, je suis un être humain, comme tous les autres êtres humains, et... »
Évidemment ! Qu’est ce qu’il est bête, alors, celui ci !
« J’ai un corps, une âme, comme tout le monde... »
Évidemment ! Comment se fait il qu’il puisse dire des bêtises pareilles ! Enfin, du haut de ma grandeur, je l’ai quand même écouté, cette espèce d’idiot !
« J’ai un corps, une âme... Est ce que vous connaissez une race où une mère aime davantage, ou moins bien, son enfant, qu’une autre race ? Nous sommes tous égaux. »
Et là, j’ai rien compris à ce qu’il a voulu dire... Et pourtant j’suis pas un imbécile, puisque je suis douanier ! « Fous le camp ! Tu viens manger le pain des Français ! »
Alors, un jour, il nous a dit : « J’en ai ras le bol ! Vous, vos Français, votre pain et pas votre pain... Je m’en vais ! »

Alors, il est parti, avec sa femme et ses enfants. Il est monté dans un bateau, il est allé loin au delà des mers.
Et, depuis ce jour là, on ne mange plus de pain...
Il était boulanger !

Fernand RAYNAUD, 1975.









"Les racistes préfèrent l'été à l'hiver car il y fait noir moins longtemps.
Geluck



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Commentaires

oh comme je suis d'accord !
à chaque fois que j'entends parler (et que je subis le matraquage) des gens qui les adorent, je me redis cette vérité :
les questions en "combien", souvent, elles sont "bien cons"...
quand on n'a rien à dire ou à penser, on demande "combien".
Je préfère nettement les pourquoi ou les comment !

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