PhiloVIVE ! La philosophie orale et vivante

 

Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Peut-on mettre un futur au verbe aimer ?
Pourquoi ce commandement qui fait de l’amour un devoir ?
L’amour du prochain ne suppose-t-il pas l’oubli de soi-même, le désintéressement ?
L’amour de soi et l’amour du prochain ne sont-il pas contradictoires ?

Il paraît difficile de prétendre aimer son prochain comme soi-même : il y a une distance infranchissable, radicale, entre cette étrange chose qu’est l’Autre, et moi. Il le faut pourtant : c’est Dieu lui-même qui l’ordonne (commandement de Jésus Christ que Saint Mathieu donne dans l’Évangile). Cet impératif est même souvent interprété comme un résumé de la morale chrétienne, fondamental dans notre civilisation. C’est par amour de Dieu que l’on doit aimer son prochain, car nous sommes tous ses créatures, donc tous aimables -mais alors ce qu’on aime en l’autre, ce n’est pas une personne singulière : c’est Dieu ! Les athées ironisent : “je t’aime dans le Seigneur” ! Quelle duperie dans les mots ! Voilà qui ne simplifie pas les rapports interpersonnels.

Les athées n’échappent pourtant pas à la règle : aimer l’Autre est un précepte moral. Terrible, parce qu’inefficace. On ne peut pas commander d’aimer puisque l’amour ne se commande pas. Alors on triche : chacun étant supposé s’aimer soi-même, doit détourner cet amour et le reporter sur d’autres. La morale suppose cette contrainte de la volonté : il faut tendre vers cet idéal inatteignable.
La formule est trop contradictoire : on force les choses en mettant sur le même plan l’amour de soi et l’amour des autres. L’amour de soi suppose l’intérêt et la focalisation sur soi. Comment, concrètement, aimer quelqu’un comme soi-même ? Il semble que cela ne soit jamais arrivé ! Impossible de mettre cette formule en pratique. Alors pourquoi s’y raccroche-t-on ?
Comment se fait-il que l’on veuille faire de l’amour (qui ne se commande pas) un devoir ?

Décidément, ce commandement est bizarre. Voila que l’on doit aimer ! Lequel, de l’amour ou du devoir, est un résultat de l’autre ? Est-ce en aimant qu’on devient moral ? Est-ce parce qu’on est moral qu’on aime ? Qu’il est exorbitant, ce comparatif “comme”, qui réglerait la quantité d’amour, et sa qualité !

Qui est le prochain ? Tout homme, à ce qu’il paraît ! Y compris le lointain : tous les hommes en général. Or il est évident que j’aime plus les proches : c’est donc la proximité immédiate qui doit servir de modèle à l’amour du prochain. Ce fameux amour de soi (qui est tout sauf évident) n’est pas donné : il ne peut s’agir simplement de l’amour de soi comme désir de la conservation : il faut que cet amour soit dégagé de tout intérêt (y compris la conservation). C’est de la façon que j’aime l’autre que je dois aussi m’aimer moi-même. D’où la circularité de la formule : l’amour du prochain sert de modèle. D’où, aussi, ce comme qui n’indique pas une origine. On ne peut pas faire d’une comparaison une origine.

Ce qu’on fait par amour, on le fait volontiers, par inclination : si aimer c’est faire quelque-chose volontiers, comment commander cette volonté !?

L’impératif chrétien est un idéal ineffectif. On ne peut y obéir, le sentiment n’accepte pas d’être forcé.
Mais cela se fait tout seul. Sans avoir été commandé, chacun aime, tout simplement parce que chacun a été aimé, et sait ce qu’est l’amour pour l’avoir reçu dès l’abord. Le mode d’emploi est inutile. L’impératif du Christ n’a de sens pour le croyant que parce qu’au départ Dieu l’aime. Il n’y a aucun sens à en faire une morale : l’amour n’est pas une loi, ni un commandement. Alors pourquoi ce commandement divin ? Le Christ ne fait que dire une évidence. Ce qui est moral n’est pas ce qui doit être, mais d’accepter le réel. Mais pourquoi la formule est-elle au futur ? Peut-être parce que le temps y est pour quelque chose : on pourrait reformuler la formule ainsi : en prenant le temps de penser le problème, tu apprendras que tu ne peux vouloir que ce qui est ; tu es une créature née de l’amour, tu ne peux donc que t’aimer, et aimer pareillement toute autre créature.



Photo Jacques Perconte

Ballade dans l'histoire de la philosophie :

SPINOZA : le prochain est ce qu’il y a de plus utile à l’homme. Mais c’est toujours l’amour de soi qui est premier -> tu aimeras ton prochain pour toi-même !

NIETZSCHE : cet amour exclue la véritable générosité parce qu’il suppose l’espoir d’un retour sur soi. Nietzsche ne veut donc pas de ce prochain -> tu aimeras ton lointain

DESCARTES, notamment dans le Traité des Passions, rejoint la thèse chrétienne : il faut se joindre par volonté plutôt que de n’écouter que ses penchants : s’unir à l’autre en se concevant comme partie d’un tout -> je t’aime « dans le Seigneur »

FREUD résout le problème en montrant sa circularité (Malaise dans la civilisation) : on n’aime jamais son prochain que comme soi-même, et inversement, pour s’aimer soi-même il faut avoir été aimé, et pour aimer...





Citations :

C’est plus difficile de renoncer à l’amour qu’à la vie.
Céline. Voyage au bout de la nuit

“Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et avec toutes tes forces et tu aimeras ton prochain comme toi-même.”
Mt 22, 37-40 et 12, 29-31, qui lie Deutéronome, 6,5 et Lévitique, 19,18.

Quel est le mot qui se suicide lorsqu'on le lit deux fois ?
-Tu, car Tu relu tue Tu.
Henri ROORDA, Almanach Balthasar, 1923

“Dans la règle d’or de Jésus de Nazareth, nous retrouvons tout l’esprit du principe d’utilité. Faire ce que nous voudrions que l’on nous fît, aimer notre prochain comme nous-mêmes : voilà qui constitue la perfection idéale de la moralité utilitariste.”
Stuart MILL, Utilitarisme II ; 4è objection

L’homme ne discerne que ce que ses croyances implicites lui montrent. Dès lors, comment admettre qu’il existe une réalité accessible à l’esprit ? L’opinion arbitraire crée le réel. Des bovins assoiffés peuvent émouvoir quand des enfants juifs, déshumanisés par une autre carte des valeurs, laissent indifférent.
Alexandre Jardin. Des gens très bien. Grasset, 2010.

“Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen”.
KANT, Fondements de la métaphysique des Mœurs, II Ak. IV, 429 ; Pléiade II, 295

“Car l’amour espère toujours que l’objet qui alluma cette ardente flamme est capable en même temps de l’éteindre : illusion que combattent les lois de l’amour.”
LUCRÈCE. De la nature. IV

“L’amour n’est rien d’autre que la Joie accompagnée de l’idée d’une cause extérieure.”
SPINOZA Éthique III Définition des affects

“Je ne vous enseigne pas le prochain, je vous enseigne l’ami” NIETZSCHE. Ainsi parlait Zarathoustra, I, “De l’amour du prochain”

“...L’essence de l’amitié consiste en ce que plusieurs êtres ont une même âme.”
CICÉRON Lelius XXV

“Chacun en effet aime son propre moi et ce n’est pas dans l’espoir qu’obtenir de soi une rémunération de cet amour, mais parce que son moi lui est cher par lui-même. Si cette façon d’aimer ne sert pas de modèle à l’amitié, on ne pourra jamais être un véritable ami, car un ami vrai est pour son ami un second lui-même.”
CICÉRON. Lelius, XXI

“La volonté du prochain est aussi indifférente à ma propre volonté que sa respiration et sa chair le sont aux miennes. Même en effet si nous sommes nés tout à fait l’un pour l’autre, nos facultés directrices ont chacune leur souveraineté propre ; sinon, le vice du prochain devrait être un mal pour moi, ce que Dieu n’a pas jugé bon pour que mon malheur ne dépendit point d’un autre que moi.”
MARC-AURÈLE. Pensées pour moi-même. VIII, 56.

Vous vous empressez auprès du prochain et vous exprimez cela par de belles paroles. Mais je vous le dis : votre amour du prochain, c'est votre mauvais amour de vous-mêmes. Vous entrez chez le prochain pour fuir devant vous-mêmes et de cela vous voudriez faire une vertu : mais je pénètre votre « désintéressement. » Le toi est plus vieux que le moi ; le toi est sanctifié, mais point encore le moi : ainsi l'homme s'empresse auprès de son prochain. Est-ce que je vous conseille l'amour du prochain ? Plutôt encore je vous conseillerais la fuite du prochain et l'amour du lointain ! Plus haut que l'amour du prochain se trouve l'amour du lointain et de ce qui est à venir. Plus haut encore que l'amour de l'homme, je place l'amour des choses et des fantômes. Ce fantôme qui court devant toi, mon frère, ce fantôme est plus beau que toi ; pourquoi ne lui prêtes-tu pas ta chair et tes os ? Mais tu as peur et tu t'enfuis chez ton prochain. Vous ne savez pas vous supporter vous-mêmes et vous ne vous aimez pas assez : c'est pourquoi vous voudriez séduire votre prochain par votre amour et vous dorer de son erreur. Je voudrais que toute espèce de prochains et les voisins de ces prochains vous deviennent insupportables. Il vous faudrait alors vous créer par vous-mêmes un ami au cœur débordant. Vous invitez un témoin quand vous voulez dire du bien de vous-mêmes ; et quand vous l'avez induit à bien penser de vous, c'est vous qui pensez bien de vous. Celui-là seul ne ment pas qui parle contre sa conscience, mais surtout celui qui parle contre son inconscience. Et c'est ainsi que vous parlez de vous-mêmes dans vos relations et vous trompez le voisin sur vous-mêmes. Ainsi parle le fou : « Les rapports avec les hommes gâtent le caractère, surtout quand on n'en a pas. » L'un va chez le prochain parce qu'il se cherche, l'autre parce qu'il voudrait s'oublier. Votre mauvais amour de vous-mêmes fait de votre solitude une prison. Ce sont les plus lointains qui payent votre amour du prochain ; et quand vous n'êtes que cinq ensemble, vous en faites toujours mourir un sixième. Je n'aime pas non plus vos fêtes : j'y ai trouvé trop de comédiens, et même les spectateurs se comportaient comme des comédiens. Je ne vous enseigne pas le prochain, mais l'ami. Que l'ami vous soit la fête de la terre et un pressentiment du Surhumain. Je vous enseigne l'ami et son cœur débordant. Mais il faut savoir être tel une éponge, quand on veut être aimé par des cœurs débordants. Je vous enseigne l'ami qui porte en lui un monde achevé, l'écorce du bien, — l'ami créateur qui a toujours un monde achevé à offrir. Et de même que pour lui le monde s'est déroulé, il s'enroule de nouveau, tel le devenir du bien par le mal, du but par le hasard ? Que l'avenir et la chose la plus lointaine soient pour toi la cause de ton aujourd'hui : c'est dans ton ami que tu dois aimer le Surhumain comme ta raison d'être. Mes frères, je ne vous conseille pas l'amour du prochain, je vous conseille l'amour du plus lointain.
NIETZSCHE. Ainsi parlait Zarathoustra.







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Psycho :

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Commentaires

Et si l'on ne s'aime pas? Thèse de Cioran

Le prochain dans La Bible

Le 19:18 Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mt 5:43 Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi.
Mt 19:19 (19:18) honore ton père et ta mère; (19:19) et: tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mt 22:39 Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mr 12:31 Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là.
Lu 10:27 Il répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même.
Ro 13:9 En effet, les commandements: Tu ne commettras point d'adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne convoiteras point, et ceux qu'il peut encore y avoir, se résument dans cette parole: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Ga 5:14 Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, dans celle-ci: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Jas 2:8 Si vous accomplissez la loi royale, selon l'Écriture: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, vous faites bien.

Pr 25:9 Défends ta cause contre ton prochain, Mais ne révèle pas le secret d'un autre,
Pr 25:17 Mets rarement le pied dans la maison de ton prochain, De peur qu'il ne soit rassasié de toi et qu'il ne te haïsse.
Pr 25:18 Comme une massue, une épée et une flèche aiguë, Ainsi est un homme qui porte un faux témoignage contre son prochain.
Pr 26:19 Ainsi est un homme qui trompe son prochain, Et qui dit: N'était-ce pas pour plaisanter?
Pr 27:14 Si l'on bénit son prochain à haute voix et de grand matin, Cela est envisagé comme une malédiction.
Pr 29:5 Un homme qui flatte son prochain Tend un filet sous ses pas.
Ec 4:4 J'ai vu que tout travail et toute habileté dans le travail n'est que jalousie de l'homme à l'égard de son prochain. C'est encore là une vanité et la poursuite du vent.
Isa 3:5 Il y aura réciprocité d'oppression parmi le peuple; L'un opprimera l'autre, chacun son prochain; Le jeune homme attaquera le vieillard, Et l'homme de rien celui qui est honoré.
Jer 5:8 Semblables à des chevaux bien nourris, qui courent çà et là, Ils hennissent chacun après la femme de son prochain.
Jer 9:8 Leur langue est un trait meurtrier, Ils ne disent que des mensonges; De la bouche ils parlent de paix à leur prochain, Et au fond du coeur ils lui dressent des pièges.
Jer 22:13 Malheur à celui qui bâtit sa maison par l'injustice, Et ses chambres par l'iniquité; Qui fait travailler son prochain sans le payer, Sans lui donner son salaire;
Jer 23:27 Ils pensent faire oublier mon nom à mon peuple Par les songes que chacun d'eux raconte à son prochain, Comme leurs pères ont oublié mon nom pour Baal.
Jer 23:35 Vous direz, chacun à son prochain, chacun à son frère: Qu'a répondu l'Éternel? Qu'a dit l'Éternel?
Jer 29:23 Et cela arrivera parce qu'ils ont commis une infamie en Israël, se livrant à l'adultère avec les femmes de leur prochain, et parce qu'ils ont dit des mensonges en mon nom, quand je ne leur avais point donné d'ordre. Je le sais, et j'en suis témoin, dit l'Éternel.
Jer 31:34 Celui-ci n'enseignera plus son prochain, Ni celui-là son frère, en disant: Connaissez l'Éternel! Car tous me connaîtront, Depuis le plus petit jusqu'au plus grand, dit l'Éternel; Car je pardonnerai leur iniquité, Et je ne me souviendrai plus de leur péché.
Jer 34:15 Vous, vous aviez fait aujourd'hui un retour sur vous-mêmes, vous aviez fait ce qui est droit à mes yeux, en publiant la liberté chacun pour son prochain, vous aviez fait un pacte devant moi, dans la maison sur laquelle mon nom est invoqué.
Jer 34:17 C'est pourquoi ainsi parle l'Éternel: Vous ne m'avez point obéi, en publiant la liberté chacun pour son frère, chacun pour son prochain. Voici, je publie contre vous, dit l'Éternel, la liberté de l'épée, de la peste et de la famine, et je vous rendrai un objet d'effroi pour tous les royaumes de la terre.
Eze 18:6 qui ne mange pas sur les montagnes et ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d'Israël, qui ne déshonore pas la femme de son prochain et ne s'approche pas d'une femme pendant son impureté,
Eze 18:11 si ce fils n'imite en rien la conduite de son père, s'il mange sur les montagnes, s'il déshonore la femme de son prochain,
Eze 18:15 si ce fils ne mange pas sur les montagnes et ne lève pas les yeux vers les idoles de la maison d'Israël, s'il ne déshonore pas la femme de son prochain,
Eze 22:11 Au milieu de toi, chacun se livre à des abominations avec la femme de son prochain, chacun se souille par l'inceste avec sa belle-fille, chacun déshonore sa soeur, fille de son père.
Eze 22:12 Chez toi, l'on reçoit des présents pour répandre le sang: tu exiges un intérêt et une usure, tu dépouilles ton prochain par la violence, et moi, tu m'oublies, dit le Seigneur, l'Éternel.
Eze 33:26 Vous vous appuyez sur votre épée, vous commettez des abominations, chacun de vous déshonore la femme de son prochain. Et vous posséderiez le pays!
Hab 2:15 Malheur à celui qui fait boire son prochain, A toi qui verses ton outre et qui l'enivres, Afin de voir sa nudité!
Zec 8:16 Voici ce que vous devez faire: dites la vérité chacun à son prochain; jugez dans vos portes selon la vérité et en vue de la paix;

Je suis très étonné de cette démonstration très interessante. vous partez de l'amour évangélique pensé comme un devoir pour le retourner en amor fati nietzschéen comme une bénédiction d'un deja là.
On sait que Kant a refusé à l'amour toute vertu morale car relevant de l'affectivité pour faire resider le moteur de l'action bonne dans le sentiment rationnel et intellectif du respect, sentiment qui m'élève a la reconnaissance de mon humanité comme fin en soi
Puis, vous parlez d'amour en Dieu comme Pascal, mais si Dieu est pur intellect comme le pense Eckhart, obéir aux fins de mon intellect c'est aimer en Dieu, c'est donc transformer le devoir en amour, métamorphose divine.
Par contre arriver à Nietzsche, c'est cela qui me plait le plus. Car le monde de nietzsche est un pur tissu de forces, un chaos dé-theologisé et dé-téléologisé. Comment l'aimer et comment ce monde qui sourd dans mon etre peut-il produire l'amour de toutes choses qu'est l'amor fati. L'amour est-il amour de toute chose, toutes choses méritent-elles d'etre aimées? C'est tres tres difficile de comprendre Nietzsche sur ce point particulièrement pour un chretien car pour le chretien le monde est création d'une pure intelligence...

Je suis très heureux de votre intérêt, qui m'honore. Je ne cherchais qu'à répondre à la question, et certainement pas à revisiter l'histoire de la philosophie pour "arriver à Nietzsche". Je suis ravi de votre expression : ce chaos "dé-theologisé et dé-téléologisé" me plaît bien, et j'aime considérer le monde comme un joyeux bordel.
Mais j'ai raté mon coup : mon but était de réconcilier athées et croyants dans ce commandement "divin", et je m'apperçois que mon article n'est pas distingué des citations qui le suivent (après tout, c'est moi qui l'ai mal mis en page, et puis peu importe : si vous avez pris plaisir à lire ce que je n'ai pas voulu écrire, l'important est avant tout l'intérêt que vous en avez tiré, qui déjà me récompense de ma peine).

Je ne suis pas certain (du moins pas autant que vous)qu'il paraisse plus facile de concevoir le monde comme "création d'une pure intelligence"... Cela paraît plus facile dans notre culture chrétienne. Mais voyez comme l'athée s'en sort : plutot que de faire appel à une divinité (très difficile à concevoir, que l'on soit chrétien ou pas), faisons appel à une INTELLIGENCE, du latin inter (« entre ») et ligere (« lier »). Établir des liaisons logiques, des connexions entre les choses, c'est comme aimer ces choses, ou les rendre amoureuses les unes des autres. Je comprends que cela vous étonne : je m'en étonne moi-même. Mais je ne puis concevoir le lien sans sentiment, je vois dans TOUTE relation , même "purement physique" ou "purement matérielle" quelque chose qui est de l'ordre de l'amour. Je reformulrais ainsi le commandement pour le faire mien : "tu restera lié parce que tu es un "être-en-relation", que tu t'aimes, et que tu aimes donc tout ce qui se relie à toi et te constitue"...


Que le monde soit un tissu de forces, une ontologie de la relation n'implique pas qu'il soit intelligence bien qu'il soit mise en rapport, en communication, en réseau. Je ne crois pas que l'on puisse rapprocher l'ontologie de l'intelligence pure qu'elle soit idéaliste, matérialiste ou spiritualiste et l'ontologie de la relation telle qu'elle existe chez Nietzsche. Je pense qu'il se joue quelque chose de radical et de nouveau. Mais la question qui se pose est celle de la relation à autrui. Spinoza dans son ontolgie de la substance immanente par exemple pense une nouvelle charité par la connaissance. La pratique de la vérité libère et apprend le rapport à toute chose. Qu'en est-il chez Nietzsche?
Je vous souhaite de passer de bonnes fêtes.

Le commandement "tu aimeras ton prochain comme toi même" provient du Lévitique, id est l'un des 5 livres du Pentateuque,et c'est faussement que vous l'attribuez à Jésus.

Je suis d’accord avec la formule « je t’aime dans le Seigneur ». C’est même la conclusion que je conçois la plus logique. Dans un monde sans Dieu, je n’ai jamais vraiment vu ce qu’on entend par « amour ». Les gens se complaisent dans la consensualité, dans des affects compliqués, dans le conformisme, dans des identités subjectives, dans les mondanités, etc.
Le premier commandement est bien d’aimer Dieu de tout son cœur et de toute sa pensée. Le deuxième et non moins important et d’aimer son prochain comme nous nous aimons soi-même. Et je crois même avoir lu quelquechose comme « aimer son prochain comme tu aimes toi-même et ton Seigneur »…mais je ne le trouve pas. Peut-être me je me trompe.
Mais qu’est-ce donc que cet amour de soi? Suis-je même capable de m’aimer moi-même à un point d’avoir confiance à rendre cette amour pour l’autre? Qui suis-je pour dire que mon amour est suffisant? Et moi est-ce que je veux vraiment recevoir le soi-disant « amour de soi » de l’autre que je trouve plus être une forme de complaisance paresseuse, d’amour-propre affective qui ne repose sur rien d’autre que des illusions sur sa personne? Mais si c’est par la grâce de Dieu, par l’amour de Dieu que je peux espérer aussi en l’autre alors je vais également aimer l’autre comme moi-même qui a reçu par amour pour Dieu l’amour de Dieu pour que l’autre vive également cette même relation avec Dieu et la vérité afin que l’amour soit grand et non simplement un affect émotif humain.
Vous dîtes que les gens naissent dans l’amour comme si c’était une vérité universelle. Je ne suis pas d’accord si on parle d’amour humain. Amour de Dieu, oui.
Jésus peu reprendre les écritures de l’Ancien Testament comme il veut car il est Dieu fait homme.

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