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“Je séduis donc j’existe”

“Je séduis donc j’existe”. Paraphrase de la géniale découverte de Descartes : “je pense donc je suis”... mais qui la dépasse. Car être ne suffit plus -sinon, autant être n’importe quoi !
Il nous faut être (ou devenir) quelqu’un. Et plutôt quelqu'un de bien, de beau.
Exister, c’est être pour autrui. Et c’est nécessaire : je ne suis personne sans les autres. Faire l’expérience de l’indifférence suffit pour comprendre que l’on n'existe jamais que pour autrui. Quand on n’est rien pour l’autre on n’est soi-même plus grand-chose. C’est là tout le drame de l’amour non réciproque : n’être rien aux yeux de celui ou celle pour qui l'on voudrait être tout. Le plus important est de gagner son regard : séduire.
La séduction est un moyen de devenir quelqu’un. Le but : que je ne sois pas "simplement" là, faire en sorte que ma présence soit remarquée, et même appréciée.



Pour séduire il y a des stratagèmes : connaître les intérêts et les besoins de l’autre, et se présenter comme la réponse à ces besoins. Cela réclame une véritable attention : de simples “trucs” ne suffisent pas pour gagner la considération d’autrui. Il faut être sensible aux goûts des autres et être capable de les satisfaire.
On peut bien mentir, se présenter comme autre que l’on est, berner pour plaire. Le client est roi... ou du moins doit en être persuadé : on utilisera divers artifices, on jouera quelques personnages imaginaires.Si la belle princesse réclame un preux chevalier, on enfilera l'armure, on s'inventera la victoire contre les dragons, puisqu'il le faut.
Mais alors qui existera aux yeux de la personne séduite : un simple personnage ?

“Jouer un personnage, c’est manquer de personnalité”
Cesbron.


À quoi bon se cantonner à un rôle, jouer seulement la comédie de la séduction ?
Il n’est pas certain que nous existions encore quand pour plaire nous abandonnons notre intégrité.
L’abdication de son identité au profit d’une image flatteuse nous transforme en simple image. Il ne s’agit pas d’un simple rôle de théâtre, même s’il est possible de séduire le temps d’une scène -seulement le temps d’une scène. Exister c’est encore trouver son authenticité devant le regard des autres.
Tout est pourtant dans la façon dont nous nous donnons à voir.

Il ne suffit pas de savoir ce qui convient pour gagner le regard de l’autre : il faut être plaisant. Il faut écouter les autres, aussi intensément qu’un malfaiteur tend l’oreille pour détecter le code d’un coffre-fort. En plus d’en connaître les codes, il faut s’y conformer, devenir ce qu’il ou elle considère comme séduisant. L'engagement doit être réel, existentiel: il ne s'agit pas de faire semblant, juste le temps d'une drague. Par respect pour l'autre comme pour soi-même, il faut donc refuser le paraître, ne se satisfaire que d'être. Qui se contente d’utiliser de simples trucs de marketing pour gagner l’attention d’autrui risque de n’exister que le temps de remporter un marché.
On ne peut paraître que ce que l’on est. Mais on peut devenir beaucoup de choses, et chacun dispose heureusement d’une personnalité à plusieurs facettes. On n’est pas qu’un, justement parce qu’on existe, parce qu’on est libre : chacun se refait, se reconstruit, choisit à tout moment parmi un panel d’infinies combinaisons quel comportement il adoptera.
Il faut exister plusieurs fois. Je me construis avec l’autre, en me respectant, en le respectant. Pour jouer gagnant, il faut se jouer soi-même, sinon on ne gagne que des fantômes.

François Housset
www.philovive.fr










Citations séduisantes

Ne jamais parler de soi aux autres et leur parler toujours d'eux-mêmes, c'est tout l'art de plaire. Tout le monde le sait et tout le monde l'oublie.
E. et J. de GONCOURT. Idées et sensations

Un homme à qui personne ne plaît est bien plus malheureux que celui qui ne plaît à personne.
LA ROCHEFOUCAULD. Reflexions ou Sentences et Maximes morales.

Il semblerait que ce soit une loi de la nature que l'organisme masculin, lorsqu'il est amoureux... déploie tout le charme de sa personnalité, dans mesure où il en a.
KARL VON FRISH. Les insectes maîtres de la terre

Il faut de l'articfice pour se faire aimer ; il faut chercher avec quelque adresse les moyens d'enflammer, et l'amour tout seul ne donne point de l'amour.
Lettres de la religieuse portugaise (1669)

La plupart des femmes qu'on n'a pas eues, c'est qu'on ne les a pas demandées.
Marcel PAGNOL. Jazz

S'introduire comme un rêve dans l'esprit d'une jeune fille est un art, en sortir est un chef-d'œuvre.
Sören KIERKEGAARD. Le journal du séducteur

“Je n’existe que dans la mesure ou j’existe pour autrui. À la limite être c’est aimer.”
Mounier, Le personnalisme

Il n’y a aucune possibilité d’existence détachée et autonome.
A. N. Whitehead

On ne naît pas femme : on le devient.
Seule la médiation d'autrui peut constituer un individu comme un Autre.
Simone de Beauvoir, Le Deuxième sexe

“Car nous ne sommes même pas des comédiens qui, derrière leurs personnages feints, existeraient malgré tout, seraient eux-mêmes.”
Comte-Sponville. Le mythe d’Icare

“Il n’est permis à personne de dire ces simples mots: je suis moi. Les meilleurs, les plus libres, peuvent dire: j’existe. C’est déjà trop. Pour les autres, je propose qu’ils usent de formules telles que “Je suis Soi-même” ou “Je suis un Tel en personne.”
Sartre. Saint Genet comédien et martyr.











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Commentaires

"Je suis aimé donc je suis"
or pour être aimé, il faut séduire
"je séduis donc j'existe".
Séduire peut être un acte induit ou spontané.
Séduire de façon volontaire peut effectivement ne faire intervenir qu'une partie de notre personnalité voire même une partie maquillée, pour plaire à l'autre de façon "à remporter le marché". Mais pour combien de temps ?
Alors que séduire sans en être un acteur conscient... Là le naturel est présent, non trompeur.
Le résultat est le même : la reconnaissance de soi dans les yeux de l'autre mais peut être à plus long terme.
Est-ce la différence entre un être séducteur et un être séduisant ?

"Rien de si aimable qu'un homme séduisant, mais rien de plus odieux qu'un séducteur."
Ninin de Laclos. Lettres (1706).

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