QUI AIME BIEN CHATIE BIEN !?
Par François HOUSSET | Les Textes #174 | 2 commentaires | |
Ouvrir le Petit Robert ne peut pas faire de mal pour apprendre ce qu'est l'amour.
« Amour : disposition à vouloir le bien ».
Le bien fait du bien, n'est-ce pas ?
Manifestons nos bonnes intentions, cajolons : les caresses, c'est bien.
Pas les coups.
Prétendre frapper par amour est paradoxal. Un coup fait mal, c'est conçu pour. Et le mal n'est pas le bien ! Des légions de cogneurs s'obstinent à ne rien comprendre au bien, et répètent cet adage ancestral qu'on retrouve dans de nombreuses langues : « qui aime bien châtie bien » ! Comment a-t-on pu oser associer amour et châtiment ?
« et si je t'aime prends garde à toi » !?
Châtier, c'est violent !
Il s'agit de soumettre une personne, lui faire payer une faute. Châtier, c'est sacrifier. L'origine latine du mot (castigare : corriger, de castus, chaste) signifie littéralement « rendre pur ». Signalons au passage que le mot "impeccable" signifie originairement "sorti du péché" : il s'agit de sortir le pauvre pécheur de la faute... par la pénitence. Cette prétendue pureté empeste : sous prétexte de rendre sacré, on sacrifie ! il faut être méchamment malade pour dire « c'est pour ton bien » en causant des dégâts inouïs ! Oui, inouïs : tout sévice provoque de dramatiques conséquences. Même une « petite » baffe, même une « simple » humiliation, sont nuisibles. On n'aide personne en tapant, au contraire on blesse. Seul un pervers peut considérer un dommage volontaire comme un « bien » !
Qui aime... bien ?
Voilà l'amour du pervers, qui aime... nuire ! Préciser qu'il aime « bien » est ironique : c'est de l'humour, si si. Il aurait pu suffire de dire « qui aime châtie ». Cet amour n'a rien d'évident. On n'aime pas bien ou mal : on aime, ou pas. Quand on aime on ne nuit pas.
Des pères fouettards décomplexés ânonnent qu'une « bonne » fessée n'a jamais fait de mal à personne. Sic ! La fessée est bonne, elle fait du bien !? Offrons donc une fessée à ceux qui le prétendent ! Ils refusent l'offre : tiens donc ! Ils affirment n'en avoir plus besoin : ils sont grands. Joli argument ! La fessée est donc « bonne » seulement pour ceux à qui ils la donnent : les « petits ». Voilà la raison du plus fort, supposée meilleure tant qu'elle est énoncée par les plus forts ! Il faut avoir été méchamment tabassé pour trouver ça logique. Justement, chaque coup provoque un déficit mental...
Le parent châtie l'enfant, et il fait « bien » parce qu'il est en situation de supériorité ! CQFD : le proverbe vaut pour un maître abusant de son pouvoir et s'en vantant !
Le proverbe vaudra aussi « bien » pour tout abus de pouvoir caractérisé, de tout pouvoir. L'enseignant, le patron, le parent, le con-joint (en deux mots, oui), l'armée, l'Etat... infligeant une peine à des personnes en situation d'infériorité.
Indignons nous de leurs abus : voilà une excellente raison d'être libertaire ! Montrons les taches sur les costumes des bourreaux, moquons nous de leurs alibis à deux balles, de leurs ridicules bonnes consciences de redresseurs de torts... tortueux !
Les hommes sont libres et égaux ! Personne n'a le droit de les corriger ! Demandons à un enfant s'il veut une « bonne » correction, il refuse net : il n'en a nul besoin et n'a pas la moindre envie qu'on lui dise quoi faire, ni qu'on le frappe ! « C'est pour ton bien », rétorque celui dont il dépend. De nombreux torts, de nombreuses tortures, viennent de ce que l'un veut changer l'autre, qui supplie : « aime moi comme je suis ! » On n'a moralement pas le droit de changer l'Autre de force : qui aime bien... aime bien !
L'indignation a son temps. Poussons la plus loin. Juste un peu trop. Contemplons-en les conséquences. Sans la peine infligée, que reste-t-il de l'autorité ? Autorisé à user d'un pouvoir sur autrui, un homme peut, voire doit, contraindre. On tremble : il peut abuser de ce pouvoir exorbitant. On lui donne quand même ce pouvoir parce qu'il est nécessaire : tremblons qu'il n'en use pas ! Sans autorité, plus de cadre, de loi, de règle : il faut donc qu'il joue son rôle, qu'il sanctionne, et fermement, quand il le doit.
La sanction et le sévice
La frontière du bien et du mal se dessine ici. D'un coté, il y a le bien d'agir au nom d'une loi ou d'un intérêt supérieurs - en tant que parent, en tant que policier, en tant que juge. De l'autre, le mal : infliger la même peine peut-être, mais en son nom propre, et pour assouvir des pulsions destructrices.
Le droit… de quel droit ?
Prenons, pour l'illustrer, la peur du gendarme, bienfaisante si et seulement si elle est utilisée pour le bien commun.
Qui aime bien les automobilistes les châtie bien, non par plaisir de leur nuire, mais pour les contraindre à se comporter moins dangereusement. Personne n'aime un PV !
Les gardiens de la paix ne se contentent pas de dire les lois : ils verbalisent.
Au début était le verbe, puis vint le procès verbal, plus efficace.
Dites à un automobiliste qu'il ne faut pas rouler trop vite : il est d'accord.... mais il ne ralentit pas pour autant. Alors fini l'angélisme : plutôt que de miser sur sa bonne volonté, contraignez la, brisez la si besoin ! Faites lui « comprendre » qu'il va en baver, à coups d'amendes, points et permis retirés, garde-à-vue, prison : le nombre de victimes de la route baisse enfin ! Il aura fallu « faire respecter » les limitations de vitesses. Pas de façon arbitraire ni compulsionnelle : le policier doit donc verbaliser « au nom de la loi », pas pour se satisfaire.
De même le bon parent, désolé de corriger, inflige tout de même une sanction parce qu'il le doit : il espère que le puni associera la douleur de la peine à sa faute, et ne la commettra plus par crainte d'être à nouveau condamné.
La violence du traitement se veut dissuasive. Elle est bonne si elle oblige le contrevenant à changer d'attitude. Tout moyen de faire respecter les règles est bon. En tant que moyen seulement : sinon, aucune peine n'est bonne en soi.
Bien punir : faire assez de peine -mais pas trop !?
Le bon châtiment doit être approprié à la singularité de la faute, du fautif, de la situation... du sur-mesure ! On châtie bien si on peut assez bien prendre la mesure de l'Autre. Il a sa sensibilité, singulière : quand un simple avertissement est adéquat pour mobiliser certaines bonnes volontés, il faut une peine plus cinglante pour que d'autres « comprennent » ! Les bons éducateurs sont donc toujours en quête d'une sanction adaptée par amour de l'autre. Et cette fois le mot amour n'est pas de trop : il en faut, pour se soucier du bien au point d'oser causer une peine !
Il faut aussi raison garder, pour que cette peine soit adéquate : la choisir pour son efficacité. Se répéter que la peine n'est jamais bonne en soi, mais en tant que moyen de parvenir à une fin. L'appliquer pour cette personne précise qui dépend de son tuteur : il doit en profiter pour agir... L'heure est grave : si le coup n'atteint pas son but ou l'atteint mal, il en rira et c'en sera fini de l'autorité ; il faut bien frapper (sic !), pour le sauver. Pas trop fort : surtout pas en faire un révolté, qui, faute d'avoir été bien inséré dans notre beau système, lui vouera une haine féroce et rendra coup pour coup. Il faudrait savoir revêtir le costume du bourreau sans trembler, donner le châtiment avec une vraie fermeté, accepter l'idée de se faire alors détester par celui qu'on aime. Jusqu'à quel point ?
Je t'aime trop pour te laisser faire mal. Et au point de te faire mal. Je t'aime juste assez pour ne pas trop te faire de mal.
La juste mesure à trouver est bien ambiguë. Difficile de reconnaître le bon moyen de redresser un homme : il est fait d'un bois si tordu ! Il le faut pourtant, c'est le rôle du tuteur : faire aller droit.
Kant avait raison : la morale commence par l'humiliation de l'ego. Non, le petit, ne peut faire ses caprices. Nous le limitons, le contenons, l'empêchons, le punissons d'avoir franchi les limites. C'est à nous, à chaque fois, de faire la difficile distinction entre contenance et contention.
Il se révolte contre nous, qui l'aimons pourtant, et nous attristons de le voir pleurer et nous tendre le poing. Alors nous disons que nous devons passer par cette pénible expérience pour lui éviter de devenir un enfant-roi. Oui, c'est pour son bien. Et c'est désolant. Mais nécessaire.
Voilà l'horreur et la beauté de l'éducation : conduire l'Autre hors de la nature, car naturellement l'enfant veut tout pour lui, vers la culture qu'il refuse, le civiliser malgré lui. Accepter de se faire détester pour cette violence inouïe, délibérément accomplie.
Tu me remercieras plus tard !
Ce n'est pas parce que c'est nécessaire qu'on en peut user à loisir. Trop de tuteurs voulant leurs enfants parfaits, chose impossible, se focalisent sur leurs moindres « défauts », les jugent insupportables, et tapent, tapent, tapent... L'abus fait passer de la morale (de celui qui accomplit cet acte par devoir) au pathologique (qui tape parce que c'est plus fort que lui, et parce qu'il en jouit). De l'utile au nuisible.
De l'autorité à l'abus de pouvoir.
Châtier n'est pas bon en soi. Y croire c'est perdre son âme, perdre la foi... en l'autre : celui que justement on prétend aimer ! Tirer profit du châtiment, châtier pour se valoriser en dépit de l'autre, aux dépens de l'autre, n'est pas digne d'un parent jouant son rôle par devoir, mais d'un pervers s'affirmant en niant, se faisant seigneur, saigneur, et sacrifiant faute d'éduquer !
Frapper sans savoir pourquoi est propre à la brute. Exemple sidérant d'une tradition absurde : une jeune fille annonçant ses premières règles reçoit une gifle. Encore cette satanée (et pas sacro-sainte) idée de purification ! Combien frappent encore pour purifier !? Tout enfant est innocent, incapable dès l'abord de distinguer le bien du mal, pur donc. Le punir de son ignorance, c'est abuser ! Ne nions pas la jouissance du pseudo rédempteur sommeillant en chacun de nous, purificateur compulsif, en quête d'une punition à donner, non pour éviter les fautes, mais par volonté de nuire ! Répétons l'accusation de Nietzsche : ces prêtres n'ont pas inventé la punition pour éviter la faute, ils ont inventé la faute pour pouvoir punir.
Il y a de ces prêtres athées, ils répugnent à opter pour des châtiments moins douloureux, parce que selon eux le méchant doit payer, pour expier sa faute -et ce sera bien fait ! Prenons garde à leur cruauté de missionnaire ! L'auteur de cet article a quasiment été lynché lors d'un colloque sur le suicide en prison, parce qu'il avait proposé d'améliorer la vie des détenus : et pourquoi pas faire de la prison un lieu d'épanouissement personnel !? Ils sont là pour en baver : celui qui leur souhaite d'être heureux n'y comprend rien !
La peine comme but.
La peine paraît encore et toujours utile. Utile pourquoi ? Parce que, justement, elle fait de la peine. Utile à quoi ? Utile à faire payer le mal. Par le mal. Voilà la logique de notre justice : la loi du talion surgit des livres sacrés pour s'inscrire dans les livres de loi. Il s'agit encore de rétablir la morale par la souffrance, rien que cela : faire payer. Si l'économie des coups fait loi, le proverbe nous éclaire sur le mal conçu comme payant. « Qui aime bien châtie bien », quand les bons comptes font les bons amis : il s'agit de bien compter, et de bien faire payer, pour rendre à chacun la monnaie de sa pièce !
François Housset
www.philovive.fr
Même pas bien !
Cet article reprend quelques uns des arguments échangés au cours du Salon Philo du Casino de Forges les Eaux le 26 octobre 2012.
Envie de lire ?
ARISTOTE, Politique. Livre 3, chap. 17 : “par nature, les hommes sont destinés à être gouvernés despotiquement” Aristote vante les avantages du despotisme sur la démocratie : la démocratie est trop pervertie pour que ce soit la loi qui régisse les hommes ; aucune loi ne peut plus valoir quand c’est bien le peuple qui gouverne, c’est-à-dire exerce au jour le jour et dans chaque cas particulier sa liberté capricieuse. La démocratie finit inévitablement en démagogie, et les désirs insatiables prennent le dessus : les “souverains de l’opinion du peuple”, qui savent retourner leurs vestes, flatter et agir en méprisant l’intérêt véritable de la Cité, ne font pas de politique, parce que “partout où les lois ne gouvernent pas il n’y a pas de constitution”. Ce n’est que parce qu’il est despotique que le pouvoir relève de l’ordre politique !
LA BOËTIE, De la servitude volontaire
Montre que ce n’est jamais la force qui nous soumet, mais nous-mêmes.
MONTESQUIEU, L’Esprit des lois.
Livre III, chap. IX : le principe du gouvernement despotique est la crainte. Le despote règne par la terreur, mais lui-même, craignant pour son pouvoir et pour sa vie, est condamné à ne cesser, pas un instant, de se faire craindre. Il n’est pas vrai qu’il existe des despotes libéraux, éclairés ou humanistes. Car l’homme qui tremble est une bête traquée, qui perd les sentiments humains. Le civisme et l’estime de soi, qui font les sociétés humaines, ne peuvent exister dans un régime despotique. Le gouvernement despotique, parce qu’il déshumanise les hommes ressemble à une froide machine, qui ne peut cesser de faire trembler sans cesser d’être.
Livre IV chap. IV : montre un beau paradoxe : dans la tyrannie, il n’y a plus de maître, vu que le tyran est en même temps esclave. Vivant dans l’oppression permanente d’un complot, celui qui détient le pouvoir n’a pas la liberté fut-ce de baisser les yeux : les hommes soumis ne plient que tant qu’ils sont sous son joug, et profiteront du moindre faux-pas de leur maître pour se libérer de leurs chaînes.
ROUSSEAU, Contrat social, livre I, chap.III : “Du droit du plus fort”
Le plus fort n’impose sa domination au plus faible qu’autant de temps qu’il est le plus fort : il ne s’agit pas d’un droit.
Le jeu des forces se réduit strictement à ce qu’il est: la loi de la force est que le plus fort ne l’est pas toujours. Telle est la faiblesse de la force que, réduite à sa réelle nature, purement physique, elle ne contient en elle-même aucune détermination morale, politique. “Sitôt qu’on peut désobéir impunément, on le peut légitimement; et, puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit toujours le plus
fort. Or, qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse?” Telle est la faiblesse de la force qu’elle ne tient sa force que de son application actuelle; sitôt qu’elle se détourne ou relâche, celui qui la subissait reprend dans l’instant le dessus. Dès lors, la force est dans la nécessité, pour masquer sa faiblesse, de se couvrir de l’apparence extérieure du droit. “Le droit du plus fort” est une formule embrouillée à dessein pour faire illusion. Elle ne trompe que l’imagination. Elle ne résiste pas à l’examen critique: on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes, parce que l’obéissance et la contrainte s’excluent réciproquement. Il n’y a dans l’obéissance que la pure volonté d’obéir; il n’y a dans la contrainte que la pure nécessité physique. Il faut donc rejeter le galimatias confus des force morales.
HOBBES, Léviathan, 1° partie, chap. XIII
"De l'égalité procède la défiance". De cette égalité fondamentale qui concerne la possibilité d'accaparer une même chose, on arrive à la défiance.
"De la défiance procède la guerre". Chacun, sachant qu'il risque d'être attaqué par les autres, va attaquer pour acquérir une puissance allant au-delà de celle qui lui est nécessaire. Ceux qui n'avaient que la puissance strictement nécessaire cherchent alors à en avoir plus que les autres, d'où une escalade dans la violence : "en raison de ce qu'il y a des gens qui prennent plaisir à affirmer leur propre puissance par des actes de conquête poursuivis au-delà de ce que réclame leur sécurité, d'autres qui dans des circonstances se seraient retrouvés heureux et à l'aise dans de modestes frontières ne pourraient subsister longtemps en restant seulement sur la défensive s'ils n'augmentaient pas leur puissance en attaquant." Chacun tient à ce que son voisin l'estime autant qu'il s'estime lui-même, or on n'estime jamais quelqu'un autant qu'il s'estime. C'est pourquoi il faut battre l'autre pour forcer son estime.
NIETZSCHE, Généalogie de la morale
Nous ne sommes jamais sortis de la vengeance, nous n’arrivons qu’à l’accomplir avec plus de subtilité. Notre culture est une culture de vengeance, et rien n’est pire que de croire qu’on se venge de la violence. Qui n’a jamais connu -tout civilisé qu’il soit- le désir de brutaliser ? Qui n’a jamais souffert de cette violence qu’aucune justice positive ne peut réparer ? Pour Nietzsche, le but de la justice est d’entretenir en chacun de nous le sentiment d’une douleur qui ne pourra jamais être réparée. Nous gardons tous le sentiment que justice n’est pas faite. Certaines injures ne sont pas lavées (au niveau personnel comme social). Pervers et de mauvaise foi, le but du droit positif est d’entretenir la nostalgie du bon vieux temps de la vengeance. Toute justice repose sur la cruauté : l’origine de nos rapports, c’est la guerre, et toute douleur fait plaisir à quelqu’un.
SIMONE DE BEAUVOIR, Le Deuxième sexe .
Dès que le sujet cherche à s'affirmer, I'Autre qui le limite et le nie lui est cependant nécessaire : il ne s'atteint qu'à travers cette réalité qu'il n'est pas. C'est pourquoi la vie de l'homme n'est jamais plénitude et repos, elle est manque et mouvement, elle est lutte.
GANDHI, Tous les hommes sont frères.
Les hommes doivent se faire violence pour ne pas laisser agir leurs pulsions destructrices. Les plus terribles des combats sont dans la tête de chacun, et la victoire est la maîtrise de soi.
RENE GIRARD, La Violence et le Sacré
Cette enquête originale met l'accent sur le rôle fondamental de la violence fondatrice et de la victime émissaire. Le religieux, secrètement fondé sur l'unanimité violente et le sacrifice, trouve ainsi dans cet essai majeur une définition inédite.
ALICE MILLER, C'est pour ton bien
Ce livre dénonce les méfaits de l'éducation traditionnelle - qui a pour but de briser la volonté de l'enfant pour en faire un être docile et obéissant - et montre comment, fatalement, les enfants battus battront à leur tour, les menacés menaceront, les humiliés humilieront ; comment, surtout, à l'origine de la pure violence, celle que l'on inflige à soi-même ou celle que l'on fait subir à autrui, on trouve toujours le meurtre de l'âme enfantine. Cette " pédagogie noire ", selon l'expression de l'auteur, est illustrée par des textes du 18e et 19e siècle, stupéfiants ou tragiques, reflétant les méthodes selon lesquelles ont été élevés nos parents et nos grands-parents, et par trois portraits d'enfances massacrées : celle de Christiane F., droguée, prostituée, d'un jeune infanticide allemand - et d'Adolf Hitler, que l'on découvrira ici sous un jour tout à fait inattendu.
OLIVIER MAUREL, Oui, la nature humaine est bonne.
Il ne faut pas se contenter de combattre la violence seulement quand elle est excessive, mais aussi quand elle est ordinaire, explique l’auteur, démontrant avec brio ses effets délétères tant au niveau individuel que collectif.
ELISABETH MAHEU, Sanctionner sans punir;
Excellent bouquin, à lire absoument, sur "les sanctions réalistes, justes, cohérentes, compréhensibles et tournées vers un progrès à venir."
CITATIONS
«OEil pour oeil» finira par rendre le monde aveugle."
Gandhi Tous les hommes sont frères
“Ce n'est pas l'homme violent qui est hors de lui-même qui dispose de nous; c'est un avantage réservé à l'homme qui se possède.”
DIDEROT, Paradoxe sur le comédien
“L’homme qui obéit à la violence se plie et s’abaisse; mais quand il se soumet au droit de commander qu’il reconnaît à son semblable, il s’élève en quelque sorte au-dessus de celui même qui lui commande. Il n’est pas de grands hommes sans vertu; sans respect des droits il n’y a pas de grand peuple : on peut presque dire qu’il n’y a pas de société; car qu’est-ce qu’une réunion d’êtres rationnels et intelligents dont la force est le seul lien ?”
TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique
“La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l'empêcher de nuire aux autres (...) Sur lui-même, sur son corps et son esprit, l’individu est souverain.”
John Stuart MILL. De la liberté.
“Contre tout affront, toute tentative pour le réduire en objet, le mâle a le recours de frapper, de s'exposer aux coups : il ne se laisse pas transcender par autrui, il se retrouve au coeur de sa subjectivité. La violence est l'épreuve authentique de l'adhésion de chacun à soi-même, à ses passions, à sa propre volonté; la refuser radicalement, c'est se refuser toute vérité objective, c'est s'enfermer dans une subjectivité abstraite; une colère, une révolte qui ne passent pas dans les muscles demeurent imaginaires. C'est une terrible frustration que de ne pas pouvoir inscrire les mouvements de son coeur sur la face de la terre.”
SIMONE DE BEAUVOIR, Le Deuxième sexe.
« Dès que le sujet cherche à s'affirmer, I'Autre qui le limite et le nie lui est cependant nécessaire : il ne s'atteint qu'à travers cette réalité qu'il n'est pas. C'est pourquoi la vie de l'homme n'est jamais plénitude et repos, elle est manque et mouvement, elle est lutte. »
Simone de BEAUVOIR, Le Deuxième sexe
“J'accuse toute violence en l'éducation d'une âme tendre, qu'on dresse pour l'honneur et la liberté. Il y a je ne sais quoi de servile en la rigueur et en la contrainte et tiens que ce qui ne se peut faire par la raison, et la prudence et adresse, ne se fait jamais par la force.”
MONTAIGNE , Essais, 1, 20, 11, 8.
“S’il fallait tolérer aux autres ce qu’on se tolère à soi-même, la vie ne serait plus tenable.”
Georges COURTELINE
“Le fanatisme n’est-ce pas cela? La haine justifiée par l’amour.”
Michel Verret, Les marxistes et la religion.
“Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique... Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste... ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.”
PASCAL, Pensées 298
"Un perroquet était au mieux avec Kenrap, qui le gavat de noix. Lorsqu'il lui en présentait une, tout en lui caressant la tête, l'oiseau semblait entrer en état d'extase. J'aurai beaucoup souhaité une pareille manifestation d'amour, et, à plusieurs reprises, j'essayai d'obtenir une réponse similaire, mais sans résultat. Dans ma déception, il m'arriva un jour de prendre un bâton pour punir le coupable. Dès lors, il eut soin de me fuir comme la peste. Mais j'en tirai du moins une bonne leçon sur la manière de se faire des amis : la force ne sert à rien -la compréhension seule peut y contribuer."
DALAÏ-LAMA, Au loin la liberté
“Il faut faire du mal aux méchants qui sont nos ennemis. Mais les chevaux à qui l’on fait du mal deviennent-ils meilleurs ou pires?
—Pires.
—Relativement à la vertu des chiens ou à celle des chevaux ?
—A celle des chevaux.
—Et les chiens à qui l’on fait du mal, ne deviennent-ils pas pires, relativement à la vertu des chiens et non à celle des chevaux ?
—Il y a nécessité.
—Mais les hommes, camarade, à qui l’on fait du mal, ne dirons-nous pas de même qu’il deviennent pires, relativement à la vertu humaine ?
—Absolument.
—Or la justice n’est-elle pas vertu humaine ?
—A cela aussi il y a nécessité.
—Donc, mon ami, ceux d’entre les hommes à qui l’on fait du mal deviennent nécessairement pires.”
PLATON, République I/335c
“La raison du plus fort est toujours la meilleure”.
LA FONTAINE. ''Le loup et l’agneau''
“La force est une puissance physique; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté; c’est tout au plus un acte de prudence. (...) Or qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse? S’il faut obéir par force on n’a pas besoin d’obéir par devoir (...) Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.”
ROUSSEAU. Contrat social. I, 3
“Nous haïssons violemment ceux que nous avons le plus offensés.”
LA BRUYÈRE, Caractères.
« Les hommes ont autorité sur les femmes à cause des préférences de Dieu et à cause des dépenses des hommes. Les vertueuses sont dociles, elles protègent ce qui doit l’être selon la consigne de Dieu. Celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, reléguez-les dans leur chambre, frappez-les, mais si elles vous écoutent ne les querellez plus, car Dieu est sublime et grand. »
Coran 4 : 34
Ce verset rappelle ce proverbe arabe : "Frappe ta femme tous les jours. Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait."
« Si un homme a un fils dévoyé et indocile, qui ne veut écouter ni la voix de son père ni la voix de sa mère, et qui, puni par eux, ne les écoute pas davantage, son père et sa mère se saisiront de lui et l'amèneront dehors aux anciens de la ville, à la porte du lieu. Ils diront aux anciens de la ville : "Notre fils que voici se dévoie, il est indocile et ne nous écoute pas, il est débauché et buveur." Alors, tous ses concitoyens le lapideront jusqu'à ce que mort s'en suive. »
Deuteronome (21, 18-21)
"Qui aime son fils lui prodigue le fouet, plus tard, ce fils sera sa consolation. » (30, 1)
« Cajole ton enfant, il te causera des surprises, joue avec lui, il te fera pleurer." (30, 9)
« Fais lui courber l'échine pendant sa jeunesse, meurtris-lui les côtes tant qu'il est enfant, de crainte que, révolté, il ne te désobéisse et que tu n'en éprouves de la peine. » (30, 12)
L'Ecclesiaste
Justice extrême est extrême injustice
Terence, Héautontimroumenos (Le bourreau de soi-même), 796.
“Ne commandez que quand vous saurez obéir”
SOLON.
« Qui aime bien châtie bien, qui n'aime pas châtie encore mieux. »
Guy Bedos, Revue de presse – 1987
“Toute société est une société morale. Parce que l’individu ne se suffit pas, c’est de la société qu’il reçoit tout ce qui lui est nécessaire, comme c’est pour elle qu’il travaille. Ainsi se forme un sentiment très fort de l’état de dépendance où il se trouve : il s’habitue à s’estimer à sa juste valeur, c’est-à-dire à ne se regarder que comme la partie d’un tout, l’organe d’un organisme. De tels sentiments sont de nature à inspirer non seulement ces sacrifices journaliers qui assurent le développement régulier de la vie sociale quotidienne, mais encore, à l’occasion, des actes de renoncement complet et d’abnégation sans partage. De son côté, la société apprend à regarder les membres qui la composent, non plus comme des choses sur lesquelles elle a des droits, mais comme des coopérateurs dont elle ne peut se passer et vis-à-vis desquels elle a des devoirs.”
Durkheim, De la division du travail social.
"De tout ce qu'il est possible de concevoir dans le monde, et même en général hors du monde, il n'est rien qui puisse sans restriction être tenu pour bon, si ce n'est seulement une bonne volonté."
Kant, 1è phrase des Fondements de la métaphysique des mœurs
Liens internes (du même auteur) :
- Du prétendu droit de nuire
- La souffrance comme moteur de la vie
- La haine
- Maîtrise de soi et des autres
- L'abus de pouvoir
- Un pouvoir armé est-il légitime ?
- Peut-on se passer de maître ?
- A quoi sert la culpabilité ?
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- La souffrance comme moteur de la vie
- Doit-on tolérer l'intolérance ?
- Tu aimeras ton prochain comme toi-même
- La responsabilité
- L'homme est un mouton pour l'homme
- Un seul peut-il avoir raison contre tous ?
- Pourquoi la guerre ?
- Justifier la violence
- Nietzsche : l'invention de la faute pour pouvoir punir
- Être contre
- La fabrique de violence : une occasion de penser
- La fabrique de violence : dossier pédagogique
- S'indigner, c'est juste. Se sacrifier, c'est scandaleux.
- Nul n'est méchant volontairement
- Nul n'est censé ignorer la loi
Café Philo : la philosophie de la guerre prépare-t-elle la paix ?
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Intro
Liens externes :
- La culpabilité : étymologie, définitions, notions
- La transgression et le mal
- Qui aime bien chatie bien (wiki, avec une douzaine de traductions de l'adage)
- Le conte chaud et doux des chaudoudous
- Guide - Une école bienveillante face aux situations de mal-être des élèves
- Soyez autoritaires : bannissez la fessée
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