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Peut-on vivre sans travailler ?

Travailler, c’est bien dur... mais est-ce bien nécessaire ? Les besoins que l’on comble grâce au travail ne sont-ils pas superflus ?


Gébé

Peut-on vivre sans travailler ?

On peut voler, ou se faire entretenir, mais que quelques uns puissent tirer au flanc pour profiter du travail des autres ne change rien à l’affaire : notre société est fondée sur le travail. Avant même d’être citoyens, nous sommes des travailleurs parce que nous sommes consommateurs. Un animal trouverait dans la nature quelque moyen de subsister. Pas nous : il nous faut des biens de consommation, ce qui suppose une formidable organisation à laquelle tous participons à la sueur de notre front, du publicitaire à l’éboueur. Pas de société sans travail : il en faut des activités collectives et des échanges de services, pour manger, s’habiller, communiquer, jouer... vivre “tout simplement” ! La société est une chaîne dans laquelle chacun a son rôle. Chaque fonction est utile à tous, chacun a besoin de tous les autres [1]. Comme chacun, selon ses compétences, ne peut guère exercer plus d’une activité, il y a un boulanger qui fait du pain (et ne fait que cela), un cordonnier fait des chaussures, un ouvrier fait des maisons, un architecte les conçoit...

Il n’y a pas d’instinct grégaire mais une raison d’être ensemble : travailler. Les hommes vivent ensemble parce qu’ils ont besoin les uns des autres, c’est-à-dire du travail des uns et des autres.

On évoque d’autres systèmes que l’industrialisme : le travail y est différent, mais reste fondamental. On peut s’en plaindre, mais... travailler n’est pas seulement suer : c’est agir au sein d’une communauté organisée, et s’y intégrer en la servant.

Comme Rousseau, on peut rêver au temps hypothétique ou l’homme vivait solitaire de cueillette. Il n’avait pas besoin des autres, d’une structure sociale aliénante et écrasant le citoyen en le forçant à trimer. Il n’y avait donc ni travail ni échange ni langage, qui sont indissociables. Voilà le prix à payer pour revenir à un monde sans travail : ne plus communiquer, ne plus penser même, puisqu’il n’y a pas de pensée sans langage. S’associer, s’organiser, c’est déjà répartir des tâches, reconnaître la nécessité du travail. “Dès qu’un homme eut besoin du secours d’un autre... le travail devint nécessaire, et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes...” [2]

Le travail est fatal. Reste à s’y résoudre, plus encore, coller à la réalité, aimer cette fatalité, et faire de nécessité vertu : ne choisissons pas la résignation morose. Aussi vil puisse-t-il parfois paraître, le travail permet de transformer la nature et de se transformer soi-même, cela n’est pas rien. Travailler, voilà paradoxalement le seul moyen d’accéder à la liberté, qui n’est pas une totale indépendance : je ne serai rien sans les autres, et ce que je fais c’est pour eux. Dans le travail naît l’ingéniosité, et se révèlent les capacités de chacun. Contraint de travailler pour subsister, le travailleur n’est donc pas pour autant aliéné : il maîtrise des choses, en crée d’autres, transforme le monde... agit !

Le reste est “détail” : c’est, en vrac, l’art et la manière de travailler, qui font toute la beauté et l’horreur du travail, entre celui qui travaille pour vivre, celui qui vit pour travailler, celui qui travaille contre lui-même ou se trouve réduit à faire n’importe quoi, celui qui considère son travail comme une punition (“tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”)... Ce sont encore les travaux avilissants ou valorisants, déterminant l’identité même de ceux qui les exécutent, des travaux herculéens accomplis par des esclaves, des humains payés d’un bol de riz, ou des passionnés n’ayant jamais l’impression de travailler... Ce sont enfin les chômeurs satisfaits ou abattus qui bientôt entendent une expression française leur rappelant à quel point le travail détermine l’existence sociale : “fin de droit”.

François Housset
www.philovive.fr

François


Citations

“L’intelligence de la majeure partie des hommes est nécessairement formée par leur emploi habituel. L’homme dont la vie se passe à effectuer quelques gestes simples n’a guère l’occasion d’exercer son intelligence. Il devient généralement aussi stupide et ignorant qu’il est possible à une créature humaine de l’être.”
Adam SMITH

“Le domaine de la liberté commence où cesse le travail...”
Karl MARX

“Le reveil sonne : premiere humiliation de la journee” / “Le travail est la production effectuée sous la contrainte de la carotte ou du bâton. Le travail n’est jamais accompli pour lui-même, il l’est par rapport à quelque produit ou profit qu’en tire le travailleur, ou plus souvent un autre personnage. Voilà ce qu’est nécessairement le travail. Le définir, c’est le mépriser.” / “Nul ne devrait jamais travailler. Prolétaires du monde entier, reposez-vous !”
Bob BLACK

“Un travailleur qui ne peut pas trouver d’emploi est un personnage infiniment plus tragique que n’importe que Hamlet ou Œdipe.”
John MORLEY

“L’élément libérateur de l’opprimé, c’est le travail.”
SARTRE

“Les primevères et les paysages ont un défaut grave : ils sont gratuits. L’amour de la nature ne fournit de travail à nulle usine.”
Aldous HUXLEY

“Dès qu’il y a activité créatrice, le travailleur et son objet deviennent un, l’homme s’unit avec le monde dans le processus de création. Ceci n’est vrai, cependant, que du travail productif, du travail où j’organise, élabore, contemple le résultat de mon labeur.”
Erich FROMM





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Notes

[1] PLATON, La République, livre II : à lire absolument.

[2] ROUSSEAU, Discours sur l’Origine de l’Inégalité, Seconde partie

Commentaires

quelques perles...


- “Travailler dur n'a jamais tué personne, mais pourquoi prendre le risque ?” (Edgar Bergen)
- “Le travail est pour moi la chose la plus sacrée ! C'est pour ça que j'y touche pas ! ”
- “Si ton labeur est dur, et si tes résultats sont minces, rappelle-toi qu'un jour le grand chêne a été un gland lui aussi... ”
- “Heureux l'étudiant qui comme la rivière peut suivre son cours sans quitter son lit”
- “L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue” (Voltaire)
- “Le travail est l'opium du peuple et je ne veux pas mourir drogué” (Boris Vian)
- “Beaucoup trop payé pour ce que je fais, mais pas assez pour ce que je m'emmerde. ” (Daniel Pennac)
- “Si tu as envie de travailler, assieds-toi et attends que ça passe. ” (Proverbe Corse)
- “Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes.” (Devise Shadok)
- “Le travail d'équipe est essentiel. En cas d'erreur, ça permet d'accuser quelqu'un d'autre. ”
- “Le cerveau est un merveilleux organe. Il démarre au moment où vous vous levez et ne s'arrête qu'au moment où vous arrivez au bureau.” (Robert Frost)

géniale ces petites pensées en fin de page!!!!!!
j'aimerais tellement trouver un moyen de vivre sans travailler....ni faire commerce de mes capacités.
simplement vivre et ne rien devoir à personne....un toit,de l'eau et de la nourriture,et la possibilité d'aller et venir par-delà des frontieres selon son bon vouloir...

ps si vous avez des idées ou des solutions elles sont les bienvenues sur mon e-mail: nostealife@yahoo.fr
je serai ravi de les lire....

bon courage bonne vie et bonne année 2009 à tous!!!!!

le travail est pour ceux qui n'ont rien trouvé de mieux à faire !

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