La découverte est jouissive, et le présent comme le futur sont truffés de nouveauté. Au fait c’est quoi, la nouveauté ?

Tous les jours notre société de consommation nous offre des produits dits nouveaux. À chaque instant nous pourrions nous extasier devant la singularité d’un nouveau fait, d’une nouvelle perspective, nous permettant d’appréhender un nouveau monde. Tout semble survenir pour la première fois, tout semble étonnant, inédit... En fait tout est nouveau : ce n’est jamais la même pluie qui nous débarbouille, nous ne sommes jamais les mêmes, rien n’est jamais pareil. De quoi se sentir transporté : ô monde d’où jaillit d’incessantes surprises, qui nous dira de quoi demain sera fait ?

Rien ne se crée pourtant, les choses sont ce qu’elles sont encore et toujours, les évènements suivent un ordre causal prévisible, et qui en saisit l’enchaînement ne s’étonnera de rien. Rien n’est jamais nouveau que pour l’ignorant qui se laisse surprendre. Pour l’enfant, par exemple, s’enivrant toujours de découvertes. Pour qui connaît la lumière, et s’y aveugle, aucune révélation n’est possible : tout est connu, reconnu, rien de nouveau sous le soleil. Et c’est rassurant de n’avoir que son monde. La nouveauté fait peur : elle fait référence à notre ignorance. Vivre de nouveaux moments, c’est avancer vers l’inconnu : “je ne sais pas d’avance, mais j’avance...”

Ne sont nouvelles, vraiment nouvelles, que les choses envisagées ici et maintenant, avec un regard neuf. Mais ces choses peuvent exister de toute éternité. Il y a une expression qui le montre bien, c’est l’expression “à nouveau” : c’est un nouveau... qui revient. Rien n’est nouveau que le regard surpris, que la conscience étonnée, qui sont simplement attentifs et prêts à s’étonner. Pour faire pétiller un regard, prenez trois ingrédients : curiosité, intuition, connaissance. L’expérience est riche : des essais, des attentes, des constats, inédits, ne demandent qu'à être perçus...

Est nouveau ce qui s’oppose à l’habitude. Et encore : l’habitude est une disposition engendrée par la répétition ou par la continuité d’un changement. On peut s’habituer à la nouveauté, et on ne peut contracter une habitude que parce que l’on peut changer. Un être inintelligent ne saurait contracter d’habitude : le mouvement habituel n’est pas seulement mécanique, il succède au vouloir. Formé par degrés, il suit une tendance à la fin que la volonté se proposait. Or toute tendance à une fin implique l’intelligence : il a bien fallu se décider, prendre des décisions, choisir la nouveauté.

François Housset
www.philovive.fr


A ce propos...

“C’est dans le courant non interrompu de la spontanéité involontaire, coulant sans bruit au fond de l’âme, que la volonté arrête des limites et détermine des formes.”
Félix RAVAISSON, De l’habitude

L’enfant voit tout en nouveauté; il est toujours ivre. Rien ne ressemble plus à ce qu’on appelle l’inspiration, que la joie avec laquelle l’enfant absorbe la forme et la couleur.
BEAUDELAIRE, Le peintre de la vie moderne

En sortant de la rêverie, ainsi que d’un léger sommeil, je porte mes regards sur ma femme, sur mon enfant; je pense à l’affection que mes amis ont pour moi, aux plaisirs simples et cependant toujours nouveaux de ma retraite; je souris des erreurs qui viennent de m’occuper, et je me dis : “Eh bien ! mon imagination ne peut rien créer de plus doux que la réalité.”
Joseph DROZ. L’art d’être heureux (1806)

Mais quand je pense aux nouveau-nés que tu tortures pour en faire des “hommes normaux” à ton image, j’ai envie de revenir vers toi pour empêcher ce crime.
REICH Ecoute, petit homme !

S'il n'y avait rien de nouveau à faire, l'intelligence humaine cesserait-elle d'être nécessaire ? Serait-ce une raison pour ceux qui font les anciennes choses d'oublier pourquoi on les fait et de les faire comme du bétail, non comme des êtres humains ? Il y a dans les croyances et les pratiques les meilleures une tendance qui n'est que trop grande à dégénérer en action mécanique; et, sans une succession de personnes dont l'originalité perpétuellement renouvelée empêche les raisons de ces croyances et pratiques de devenir purement traditionnelles, une telle matière morte ne résisterait pas au moindre choc de la part d'une quelconque chose vraiment vivante, et il n'y aurait pas de raison que la civilisation ne périsse pas, comme dans l'Empire byzantin. Il est vrai que les personnes de génie sont, et seront probablement toujours, une faible minorité; mais pour les avoir, il est nécessaire de préserver le terreau dans lequel elles croissent.
MILL, De la liberté

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