‘’Lorsqu’un gouvernement commet un abus de pouvoir, c’est que ce pouvoir commence à lui échapper. ‘’

Ainsi parlait Jack Lang au lendemain de la mort de Malik Oussekine. Comme le gouvernement de l’époque, impopulaire, perdit effectivement son pouvoir, on est tenté de reconnaître qu’une autorité est seulement accordée, supportée, et qu'elle est perdue dès que les bornes sont dépassées.
Reste à situer ces bornes. Elles paraissent dès l’abord toutes subjectives. Papon a permis le massacre de centaines d’Algérien à Paris en une nuit d’octobre 1961. Les Parisiens n’ont pas bronché. Ils ont plutôt participé à l’événement. Ce drame a été effacé de la mémoire collective, il n’y a même jamais pris place, occulté par Charonne, au mois de février suivant (les 8 morts y étaient de “bons français”, blancs et communistes) : alors cinq cent mille Français manifestèrent, protestant contre cet inacceptable abus... À croire que le droit ne trace pas de frontière nette entre le respect et le crime organisé.

Soyons cynique ! Si l’État doit être dirigé, ne lui faut-il pas des maîtres qui, comme ils s’en vantent, maîtrisent la situation ? Dès lors, tout pouvoir est contrainte, et le gouvernant ne gouverne qu’en tant qu’il oblige. De fait plutot qu’en droit, le pouvoir armé est légitime, parce qu’il a la force pour lui : c’est, dans une certaine mesure, sous la menace (une menace souvent réclamée) que les citoyens obéissent aux lois, et non en vertu de leur bonne volonté (idéale !), tremblant devant les “gardiens de la paix”, et rassurés de trembler (“si je tremble, moi l'innocent, les hors-la-loi doivent mourir de peur !”), dans les pires dictatures comme dans les meilleures démocraties !
Convoquons cette affirmation terrible, au premier abord simpliste, au tribunal de la raison. Nous vivons dans un État où les sanglantes répressions sont encore assez rares pour être considérées comme anormales. Mais la répression est-elle mesurée parce que nous, les “bons Français”, sommes de “bons citoyens” n’ayant pas à être contraints ? Pourrions-nous concevoir que nous avons été si bien disciplinés que l’ordre règne, et seulement parce qu’il nous camisole adéquatement ? Agissons nous pour le bien, ou bien n’osons nous pas désobéir par peur des représailles ? Quelle bonne âme aurait assez de civisme pour éviter toute faute sans que “la peur du gendarme” l’y contraigne ? Si c’est bien la peur qui fait le citoyen respectueux (aussi douce et invisible soit la menace qui le tient dans le droit), Foucault avait raison : c’est bien à la condition de masquer une part importante de lui-même que le pouvoir reste tolérable, parce que le pouvoir est, par nature, violent.

“Il n’y a point d’assujetissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même.”
Rousseau. L’Émile.

Si la crainte est effectivement nécessaire, si aucun pouvoir ne peut s’en passer, c’est la force qui fait le droit. Alors nous apparaît toute la perversion de ce qui est censé rendre un pouvoir légitime. Le respect que nous feignons devoir à l’autorité devant laquelle nous nous courbons n’a rien d’une vertu morale si nous ne sommes jamais que tenus en respect comme des bêtes féroces menacées par leur dompteur : l’ordre qui règne n’a rien à voir avec le civisme, il ne fait pas appel à la bonne volonté quand il impose le respect. Tout au contraire d’une adhésion intime, il est un affront brutal, et bientôt à main armée. Dès lors, la violence est imminente. On a beau jeu d’évoquer le civisme, la ferveur de l’âme et sa foi la plus profonde, quand il ne s’agit que de la fureur d’un pouvoir exerçant sa force.

Si nous voulons approcher l’énigme de l’incroyable force du respect que nous avons pour l’Autorité avec un grand A, il faut tenter de remonter à ce qu’a du être l’action primitive du respect, avant son état accompli. Autrement dit, il faut régresser à la genèse du sentiment, retrouver la situation dans laquelle la soumission au pouvoir en place n’est pas du tout une noble et belle idée, mais en chair et en os une puissance fauve qui en effet nous force absolument. C’est ce qui arrive lorsque parfois nous sommes déchirés entre un désir irrépressible et une défense irrésistible. L’envie terrible d’attenter au “bien public” (et pourquoi “bien”, quand il est devenu si sacré qu’il épouvante ?) bute contre l’effroi terrifiant qui paralyse notre impulsion. C’est ainsi que l’ignominie de certaines concupiscences rencontre un absolu interdit dans ce qui est pourtant la plus vive excitation. Alors il faut bien dire que le sentiment du respect procure en effet l’extrême sensation glaciale d’un revolver sur la tempe ou d’un rasoir sur la gorge : le pouvoir en place est un pouvoir sur nous, il nous tient bel et bien, physiquement, en respect, car nous sentons parfaitement que le passage à l’acte serait notre mise à mort sociale, morale, mentale, ou physique). C’est ainsi que tourne court l’envie folle de transgresser ce que le pouvoir nous impose de respect. Car la force du pouvoir n’est pas seulement dans ses armes, elle est aussi dans nos âmes. La transgression, c’est-à-dire le viol de l’humanité, nous assure la peine capitale de nous en exclure. La transgression ferait de nous un animal épouvantable, et qui ne pourrait plus vivre en sa conscience perdue. Rien donc n’est plus absolument violent que la contrainte du respect, contrainte par corps dans un extrême rapport de force.

La soumission du désir au devoir ne peut se faire que sous la menace. L’obéissance à la loi est un impératif, un gibet qui nous promet de finir au bout d’une corde si nous ne faisons pas preuve de docilité. Il n’y a pas de demie mesure : l’abus est nécessaire. Ainsi, ce que dans nos passions les plus morbides nous disons et nous souffrons ‘’plus fort que nous’’, trouve un maître encore plus fort, mieux armé et entraîné : la puissance du respect doit être insurpassable, pour que les humains vivent ensemble. Ils ne se supportent que parce que tous sont inévitablement soumis à cet absolu pouvoir de contenir ce qui, sinon, serait incoercible. Insurpassable, la force du respect s’impose et croît à mesure que croît la récalcitrance de ceux qui, bon gré mal gré, restent gouvernés.

Quelle légitimité reste-t-il au pouvoir ?

Les Puissance ne sont pas si fortes. Toute autorité peut perdre ses pouvoirs au moindre impair. Une simple association peut obliger de grandes compagnies industrielles et/ou des États à revenir sur leurs décisions, ce qui pose problème : les puissants groupes peuvent être faibles, et les élus n'ont pas toujours l'autorité ni le pouvoir de décision que la loi prévoit. Alors qu'est-ce qui fait qu'une autorité en commande une autre, sinon la pression ?

Une simple nécessité logique.

Il faut une personne qui décide, qui dirige : une hiérarchie est nécessaire. Comme le dit Alain 1 quand il n’est pas anar, toute manœuvre à plusieurs demande un chef, et ce chef est absolu : quand vingt hommes soulèvent un rail, ils obéissent à un chef ; s'ils discutent de l'action même, ils auront les doigts écrasés. Le premier venu qui viendra donner des ordres avec assez de force conviendra pour ordonner les autres tant que l'ordre régnera. Il n'est donc pas question de démocratie mais de nécessité pratique reconnue par tous : l’organisation veut des rois absolus.

La reconnaissance d'une maîtrise suffisante, d'un pouvoir réel, d'une responsabilité :

le chef a manifestement la faculté de commander. On reconnaît comme pouvant exercer légitimement un pouvoir celui qui visiblement est maître de lui-même et peut maîtriser d'autres choses que lui-même : on suppose qu’il saura se donner lui-même ses propres bornes( !)


L'inégalité en découle : c'est "le meilleur" qui commande ; ce sont donc "les pires" qui obéissent (idée qui se retrouve chez Aristote 2 quand il légitime l'esclavage : l'esclave obéit à son maître parce que le maître lui est supérieur -l'esclave est comme un outil animé, le maître l'utilise comme un moyen parce que lui seul est sensé se donner ses propres fins). Pour qu’il y ait abus de pouvoir, il faudrait déjà que celui qui obéit ait des droits inaliénables. En ne lui reconnaissant que le droit d’obéir, on se passe de sa liberté, ce qui résout le problème...

Le consentement à obéir :

les gouvernés croient en leurs gouvernants, ils acceptent de vivre sous leurs lois parce qu'ils leur font confiance. Ils croient que les chefs leur demandent d'accomplir de bonnes choses -même s'ils ne savent pas en quoi ces choses sont bonnes ! D'où la nécessaire séduction dont doit faire preuve le politique pour gagner le crédit (ou plutôt la confiance aveugle) du peuple : il doit vaincre pour convaincre, faire en sorte que les hommes l’admirent comme une belle image, lui fassent confiance jusqu'à lui donner pleins pouvoirs. C'est pourquoi même au pouvoir il rusera encore pour plaire : il ne présente pas ses décisions comme découlant d'abord de son libre-arbitre, mais comme nécessaires, justes et bonnes. La séduction fait loi. Or séduire c’est détourner...

Le savoir :

‘’celui qui sait’’ a le pouvoir. Énarques et autres "connaisseurs" de la géopolitique seuls jugeraient en connaissance de cause. Il faut que ce soient les plus savants qui gouvernent les plus ignorants (ce qui nous ramène à Aristote, mais aussi à Platon -3-). D'où une perversion du pouvoir, qui a intérêt pour ne pas être déchu, à ce que le peuple soit dans l'ignorance. Cela sent l’abus de pouvoir dès l’abord : comme il semble normal que celui qui sait le mieux ce qu'il est bon de faire décide pour tous, celui qui est au pouvoir et veut y rester aura tout intérêt à empêcher les autres d'accéder à ses connaissances. Dès lors faire de la politique revient à commettre des délits d’initié.

François Housset
www.philovive.fr






Aaaah ! Lire !

1 Alain Propos sur les pouvoirs
2 Aristote Politique
3 Platon République

Aristote Politique. Livre 3, chap. 17 : “par nature, les hommes sont destinés à être gouvernés despotiquement”

Aristote vante les avantages du despotisme sur la démocratie : la démocratie est trop pervertie pour que ce soit la loi qui régisse les hommes ; aucune loi ne peut plus valoir quand c’est bien le peuple qui gouverne, c’est-à-dire exerce au jour le jour et dans chaque cas particulier sa liberté capricieuse. La démocratie finit inévitablement en démagogie, et les désirs insatiables prennent le dessus : les “souverains de l’opinion du peuple”, qui savent retourner leurs vestes, flatter et agir en méprisant l’intérêt véritable de la Cité, ne font pas de politique, parce que “partout où les lois ne gouvernent pas il n’y a pas de constitution”. Ce n’est que parce qu’il est despotique que le pouvoir relève de l’ordre politique !

Montesquieu L’Esprit des lois.

Livre III, chap. IX : le principe du gouvernement despotique est la crainte. Le despote règne par la terreur, mais lui-même, craignant pour son pouvoir et pour sa vie, est condamné à ne cesser, pas un instant, de se faire craindre. Il n’est pas vrai qu’il existe des despotes libéraux, éclairés ou humanistes. Car l’homme qui tremble est une bête traquée, qui perd les sentiments humains. Le civisme et l’estime de soi, qui font les sociétés humaines, ne peuvent exister dans un régime despotique. Le gouvernement despotique, parce qu’il déshumanise les hommes ressemble à une froide machine, qui ne peut cesser de faire trembler sans cesser d’être. Livre IV chap. IV : montre un beau paradoxe : dans la tyrannie, il n’y a plus de maître, vu que le tyran est en même temps esclave. Vivant dans l’oppression permanente d’un complot, celui qui détient le pouvoir n’a pas la liberté fut-ce de baisser les yeux : les hommes soumis ne plient que tant qu’ils sont sous son joug, et profiteront du moindre faux-pas de leur maître pour se libérer de leurs chaînes.

Hobbes. Leviathan.

La domination est l’essence même de l’ordre politique. Le peuple s’engage à respecter un contrat unilatéral, n’engageant que le peuple -pas le gouvernant, qui de fait est leur maître. L’ordre politique est au prix d’un pouvoir absolu du souverain. Une souveraineté ne se partage pas, elle est nécessairement une et indivisible, supérieure et extérieure au peuple, implacable donc efficace !

Rousseau : Contrat social :

Il faut «trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au-dessus de l’homme».
On y trouve pour la première fois (à ma connaissance) l’expression opinion publique par laquelle Rousseau entend la volonté générale, l’accord des jugements d’un public éclairé, justifiant, légitimant même des décisions politiques

Livre I, chap.III : “Du droit du plus fort”.

Le plus fort n’impose sa domination au plus faible qu’autant de temps qu’il est le plus fort. Le jeu des forces se réduit strictement à ce qu’il est : la loi de la force est que le plus fort ne l’est pas toujours. Telle est la faiblesse de la force que, réduite à sa réelle nature, purement physique, elle ne contient en elle-même aucune détermination morale ni politique. “Sitôt qu’on peut désobéir impunément, on le peut légitimement ; et, puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit toujours le plus fort. Or, qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ?” Telle est la faiblesse de la force qu’elle ne tient sa force que de son application actuelle ; sitôt qu’elle se détourne ou relâche, celui qui la subissait reprend dans l’instant le dessus. Dès lors, la force est dans la nécessité, pour masquer sa faiblesse, de se couvrir de l’apparence extérieure du droit. “Le droit du plus fort” est une formule embrouillée à dessein pour faire illusion. Elle ne trompe que l’imagination. Elle ne résiste pas à l’examen critique : on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes, parce que l’obéissance et la contrainte s’excluent réciproquement. Il n’y a dans l’obéissance que la pure volonté d’obéir ; il n’y a dans la contrainte que la pure nécessité physique. Il faut donc rejeter le galimatias confus des force morales.

Hobbes Le Léviathan (1651)

Hobbes pense l’opinion dans ses relations avec l’État dont il établit les fondements : l’autorité du gouvernant réside pour une bonne part dans son indifférence aux opinions de ses sujets.

Locke : Traité sur le gouvernement civil.

Locke est le fondateur du libéralisme politique. Selon lui, aucun pacte social ne retire les droits individuels, et l’opinion peut légitimement arbitrer.

Encore !

Spinoza : Traité de l'autorité politique
Foucault : Surveiller et punir
Freud : Malaise dans la civilisation
Tocqueville : De la démocratie en Amérique
Bruno Bernardi : La démocratie Antique
Machiavel, le Prince
Hobbes, le Leviathan, le Citoyen
Locke, du Gouvernement civil
Montesquieu, l’Esprit des lois
Rousseau, Discours sur les Origines de l’inégalité parmi les hommes
Hegel, Principes de la philosophie du droit
Lénine, l’État et la Révolution
D.Guérin, l’Anarchisme, G.Burdeau, l’État
Proudhon, Du principe d’autorité
Kant, Le conflit des Facultés, Doctrine du Droit
Cl.Lefort, L’Invention démocratique
Ph. Lacoue-Labarthe, La Fiction du politique



CITATIONS

"Ne commandez que quand vous saurez obéir"
Solon

Aristote : le citoyen supérieur aux autres par sa vertu s'élève au-dessus de la loi.

"Le seul parti donc qui reste à prendre, c'est que tous consentent de bon cœur, ce qui semble naturel, à lui obéir, et à donner l'autorité à perpétuité dans les États, aux hommes qui lui ressemblent."
Politique , III, 13

Platon : donner le pouvoir aux philosophes :

"Puisque sont philosophes ceux qui peuvent atteindre à la connaissance de l'immuable, tandis que ceux qui ne le peuvent, mais errent dans la multiplicité des objets changeants, ne sont pas philosophes, lesquels faut-il prendre pour chefs de la cité ?"
"C'est à un aveugle ou à un clairvoyant qu'il faut confier la garde d'un objet quelconque ?"
La République, début du livre VI

"L'État, c'est le plus froid de tous les monstres froids. Il ment froidement. Et voici le mensonge qui sort de sa bouche : moi, l'État, je suis le peuple !"
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

"Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation, nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."
Déclaration des droits de l'homme, III.

“Les Français ne sont pas fait pour la liberté : ils en abuseraient.”
Voltaire. Le Sottisier, faits singuliers de l’histoire de France.

"La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'y aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir."
Montesquieu, Esprit des Lois XI chap VI

«Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme (...) Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ?»
La Boëtie, Discours sur la servitude volontaire

“Les hommes étant tous libres, égaux et indépendants par nature, personne ne peut être tiré de cet état naturel, ni soumis au pouvoir politique d’un autre homme, sans son propre consentement... Ce qui est à l’origine d’une société politique, ce qui la constitue véritablement, c’est uniquement le consentement d’un certain nombre d’hommes libres capables de former une majorité pour s’unir et s’incorporer à une telle société.”
Locke, Essai sur le gouvernement civil. §§ 95 et 99 1548

“...C’est à la condition de masquer une partie importante de lui-même que le pouvoir est tolérable.”
Foucault. La volonté de savoir.

“Dira-t-on qu’on ne doit obéir aux lois qu’autant qu’elles sont justes ? On autorisera les résistances les plus insensées ou les plus coupables ; l’anarchie sera partout. Dira-t-on qu’il faut obéir à la loi, en tant que loi, indépendamment de son contenu et de sa source ? On se condamnera à obéir aux décrets les plus atroces et aux autorités les plus illégales.”
Benjamin Constant. Des droits individuels (1818) (note ajoutée à la réédition des Réflexions sur les constitutions).

“L’obéissance à la loi est un devoir ; mais... relatif ; il repose sur la supposition que la loi part d’une source légitime, et se renferme dans de justes bornes. Ce devoir ne cesse pas, lorsque la loi ne s’écarte de cette règle qu’à quelques égards. Nous devons au repos public beaucoup de sacrifices ; nous nous rendrions coupables aux yeux de la morale, si, par un attachement trop inflexible à nos droits, nous troublions la tranquillité, dès qu’on nous semble, au nom de la loi, leur porter atteinte.”
id.

“Qu’est-ce donc qu’un droit subjectif ? (...) c’est le pouvoir qui appartient à une volonté de s’imposer comme telle à une ou plusieurs autres volontés, quand elle veut une chose qui n’est pas prohibée par la loi.”
Duguit. Transformation du droit privé. III

“... L’État ne nous interdit pas de nourrir contre un homme des projets incessants d’assassinat, d’empoisonnement, pourvu que la peur du glaive et de la roue nous retienne (...) tout à fait sûrement de passer à l’exécution.”
Schopenhauer Le monde comme volonté et comme représentation.

“Il s’en faut de beaucoup... que l’État soit dirigé contre l’égoïsme... ; au contraire, c’est justement de l’égoïsme que naît l’État, mais d’un égoïsme bien entendu... d’un égoïsme qui s’élève au-dessus du point de vue individuel jusqu’à embrasser l’ensemble des individus, et qui en un mot tire la résultante de l’égoïsme commun à nous tous ; servir cet égoïsme-là, c’est la seule raison d’être de l’État...”
id.

“Si l’État atteint entièrement son but, l’apparence qu’il produira sera la même que si la moralité parfaite régnait partout sur les intentions... En effet, sous le règne de la moralité, nul ne voudrait faire l’injustice ; dans l’État parfait, nul ne voudrait la souffrir, tous les moyens convenables seraient ajustés à la perfection en vue de ce but... C’est ainsi qu’une bête féroce, avec une muselière, est aussi inoffensive qu’un herbivore.”
id.

“1) L’individu n’est pas l’homme, aussi sa personnalité individuelle n’a-t-elle aucune valeur : pas de volonté personnelle, pas d’arbitraire ni ordre ni ordonnance !
2) L’individu n’a rien d’humain, aussi n’y-a-t-il ni Tien, ni Mien, ni propriété
3) L’individu, n’étant pas homme et n’ayant rien d’humain, il n’a absolument aucun droit à l’existence et la tâche de la Critique est de l’anéantir en tant qu’égoïste... pour faire place à l’homme...”
Stirner. L’unique et sa propriété

“L’homme qui obéit à la violence se plie et s’abaisse ; mais quand il se soumet au droit de commander qu’il reconnaît son semblable, il s’élève en quelque sorte au-dessus de celui même qui le commande. Il n’est pas de grands hommes sans vertu ; sans respect des droits il n’y a pas de grand peuple : on peut presque dire qu’il n’y a pas de société ; car qu’est-ce qu’une réunion d’être rationnels et intelligents dont la force est le seul lien ?”
Tocqueville. De la démocratie en Amérique

“Là où des hommes sont sous la dépendance et à la merci d’autres hommes, là où les volontés ne coopèrent pas librement à l’œuvre sociale, là où l’individu est soumis à la loi de l’ensemble par la force et par l’habitude, et non point par la seule raison, l’humanité est basse et mutilée.”
Jaurès. Le socialisme et la vie. 7 septembre 1901

“Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique... Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste... Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.”
Pascal. Pensées 298.

“Puisqu’aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.”
Rousseau, Contrat Social, I, chap IV

<< La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés... Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. >>
Montesquieu, L’Esprit des lois




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