Épictète :
Nous savons ce que nous devons être, donc nous sommes libres. Préfigure la morale chrétienne : il s'agit d'adhérer à son destin jusqu'à vouloir les événements comme ils arrivent. Le Manuel d'Épictète, court, clair, et édifiant, est à lire absolument. Il ressort dans des éditions à deux euros, avec une meilleure traduction : rachetez l'esclave !

"Quant à moi, je ne suis jamais ni arrêté dans ce que je veux, ni contraint à ce que je ne veux pas. Comment serait-ce possible ? J'ai uni ma volonté à Dieu. Dieu veut que j'aie la fièvre, je le veux. Il veut que ma volonté aille dans tel sens, je le veux. Il veut que j'aie tel désir, je le veux. Il veut que j'atteigne tel objet, je le veux ; il ne le veut pas, je ne le veux pas. Je veux donc mourir, je veux donc être torturé. Qui peut encore m'empêcher de faire ce qui me paraît bon ou me forcer à faire le contraire ? On ne le peut pas plus qu'on ne peut contraindre Zeus."
Epictète Entretiens (89)


Descartes,
Méditations métaphysiques

Notre entendement est limité, et souvent dépassé par quantité de choses incompréhensibles. Mais notre volonté ne connaît aucune limite : je peux vouloir qu'un et un fassent trois ! Divine liberté de vouloir n'importe quoi ! Mais je ne choisis réellement que mon intérêt :

"si je connaissais toujours ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre"
(4è Méditation).

"La liberté de notre volonté se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons."
Descartes, Principes de philosophie


"La raison que M. Descartes a alléguée pour prouver l'indépendance de nos actions libres par un prétendu sentiment vif interne n'a point de force... Nous ne nous apercevons pas toujours des causes, souvent imperceptibles, dont notre résolution dépend." "L'âme humaine est une sorte d'automate spirituel." Leibniz, Théodicée

Spinoza,
Éthique 
Les hommes recherchent ce qu'ils croient utile, et c'est cette croyance imaginaire qui explique à elle seule toutes leurs actions. Contrairement à ce qu'ils croient, ils ne sont pas dirigés par des motifs réfléchis. Ils agissent comme des somnambules poussés par des déterminations obscures et inconscientes. C'est la croyance en une liberté imaginaire qui asservit les hommes.

"L'illusion de la liberté vient de la conscience de notre action et de l'ignorance des causes qui nous font agir."
Éthique II, prop. 35, scolie.




"Cette liberté de l'automate spirituel est un misérable subterfuge et ne vaut guère mieux au fond que la liberté d'un tournebroche qui, lui aussi, quand il a été remonté, accomplit de lui-même ses mouvements." "On pourrait calculer la conduite future d'un homme avec autant de certitude qu'une éclipse de lune ou de soleil et cependant soutenir en même temps que l'homme est libre."
Kant, Critique de la Raison pratique



"Les hommes ont été considérés comme "libres" pour pouvoir être jugés et punis, -pour pouvoir être coupables ... Le christianisme est une métaphysique du bourreau."
Nietzsche, Crépuscule des idoles (paragraphe 7 des "4 grandes erreurs")

Michel Foucault,
Surveiller et punir
Les prisons, les écoles, les hôpitaux, les casernes ont une même architecture, une même organisation, une même conception de l'individu constamment surveillé. À tout moment on sait où est chacun, ce qu'il fait, ce qu'il fera dans une heure, au prochain coup de sirène lui faisant savoir qu'il doit changer de salle... Une conception moderne de la liberté qui fait froid dans le dos dès les premières pages : l'auteur démontre que s'il n'y a plus de châtiments ou d'exécutions publiques, c'est que le pouvoir dispose aujourd'hui de moyens autrement coercitifs...


Non, Michel Foucault ne parlait pas du fichier EDVIGE dans Surveiller et punir, mais du Panoptique de Bentham, au XVIIIe siècle, une "figure architecturale" de la nouvelle surveillance.

Quelques citations de Michel Foucault qui vous évoqueront peut-être, non pas tant le Panopticon que l'actualité:

"Dissocier le couple voir-être vu: dans l'anneau périphérique, on est totalement vu, sans jamais voir."
"Dispositif important, car il automatise et désindividualise le pouvoir."
"Un assujettissement réel naît mécaniquement d'une relation fictive."
"Le pouvoir externe, lui, peut s'alléger de ses pesanteurs physiques; il tend à l'incorporel; et plus il se rapproche de cette limite, plus ces effets sont constants, profonds, acquis une fois pour toutes, incessamment reconduits: perpétuelle victoire qui évite tout affrontement physique et qui est toujours jouée d'avance."
"Le Panopticon ... doit être compris comme un modèle généralisable de fonctionnement; une manière de définir les rapports du pouvoir avec la vie quotidienne des hommes."
"Parce qu'il permet d'intervenir à chaque instant et que la pression constante agit avant même que les fautes, les erreurs, les crimes soient commis. Parce que, dans ces conditions, sa force est de ne jamais intervenir, de s'exercer spontanément et sans bruit, de constituer un mécanisme dont les effets s'enchaînent les uns aux autres."
"Rendre l'exercice du pouvoir le moins coûteux possible ... par la faible dépense qu'il entraîne; politiquement, par sa discrétion, sa faible extériorisation, sa relative invisibilité, le peu de résistance qu'il suscite."
"Il a la possibilité de s'exercer de manière continue dans les soubassements de la société, jusqu'à son grain le plus fin et il fonctionne en dehors de ces formes soudaines, violentes, discontinues, qui sont liées à l'exercice de la souveraineté."


Tout cela, c'était bien avant Internet, l'informatique et notre chère EDVIGE... Et pourtant, on s'y croirait, non?




PROCHAINE SEANCE MERCREDI 12 NOVEMBRE : "L'INCONSCIENT"





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