LA VIE : textes
Par François HOUSSET | Les Textes #120 | commenter | |
Quelques textes tentant d'appréhender le vivant : Diderot et d'Alembert, Bichat, KANT, BERGSON, Thierry Hoquet (qui a publié un recueil édifiant chez Flammarion : La vie).
DIDEROT
Entretien entre d’Alembert et Diderot
L’ŒUF RENVERSE LES THÉOLOGIES DE LA VIE
Diderot. -Nous sommes des instruments doués de sensibilité et de mémoire. Nos sens sont autant de touches qui sont pincées par la nature qui nous environne, et qui se pincent souvent elles-mêmes. Et voici, à mon jugement, tout ce qui se passe dans un clavecin organisé comme vous et moi. Il y a une impression qui a sa cause au-dedans ou au-dehors de l'instrument, une sensation qui nâît de cette impression, une sensation qui dure; car il est impossible d'imaginer qu'elle se fasse et qu'elle s'éteigne dans un instant indivisible: une autre impression qui lui succède et qui a pareillement sa cause au-dedans et au-dehors de l'animal; une seconde sensation et des voix qui les désignent par des sons naturels ou conventionnels.
D'AIembert.-J'entends. Ainsi donc, si ce clavecin sensible et animé était encore doué de la faculté de se nourrir et de se reproduire, il vivrait et engendrerait de lui-même ou avec sa femelle de petits clavecins vivants et résonnants.
Diderot. - Sans doute. À votre avis, qu'est-ce autre chose qu'un pinson, un rossignol, un musicien, un homme ? Et quelle autre différence trouvez-vous entre le serin et la serinette1 ? Voyez-vous cet œuf ? c'est avec cela qu'on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. Qu'est-ce que cet œuf ? une masse insensible avant que le germe y soit introduit; et après que le germe y est introduit, qu'est-ce encore ? une masse insensible, car ce germe n'est lui-même qu'un fluide inerte et grossier. Comment cette masse passera-t-elle à une autre organisation, à la sensibilité, à la vie ? par la chaleur. Qu'y produira la chaleur ? le mouvement. Quels seront les effets successifs du mouvement ? Au lieu de me répondre, asseyez-vous, et suivons les de l'œil de moment en moment. D'abord, c'est un point qui oscille, un filet qui s'étend et qui se colore; de la chair qui se forme; un bec, des bouts d'ailes, des yeux, des pattes qui paraissent; une matière jaunâtre qui se dévide et produit des intestins; c'est un animal. Cet animal se meut, s'agite, crie; j'entends ses cris à travers la coque; il se couvre de duvet; il voit; la pesanteur de sa tête, qui oscille, porte sans cesse son bec contre la paroi intérieure de sa prison; la voilà brisée; il en sort, il marche, il vole, il s'irrite, il fuit, il approche, il se plaint, il souffre, il aime, il désire, il jouit; il a toutes vos affections; toutes vos actions, il les fait. Prétendrez-vous, avec Descartes, que c'est une pure machine imitative ? Mais les petits enfants se moqueront de vous, et les philosophes vous répliqueront que si c'est là une machine, vous en êtes une autre. Si vous avouez qu'entre l'animal et vous il n'y a de différence que dans l'organisation, vous montrerez du sens et de la raison, vous serez de bonne foi; mais on en conclura contre vous qu'avec une matière inerte, disposée d'une certaine manière, imprégnée d'une autre matière inerte, de la chaleur et du mouvement, on obtient de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée. Il ne vous reste qu'un de ces deux partis à prendre: c'est d'imaginer dans la masse inerte de l'œuf un élément caché qui en attendait le développement pour manifester sa présence, ou de supposer que cet élément imperceptible s'y est insinué à travers la coque dans un instant déterminé du développement. Mais qu'estce que cet élément ? Occupait-il de l'espace, ou n'en occupait-il point ? Comment est-il venu, ou s'est-il échappé, sans se mouvoir ? Où était-il ? Que faisait-il là ou ailleurs ? A-t-il été créé à l'instant du besoin ? Existait-il ? Attendait-il un domicile ? Était-il homogène ou hétérogène à ce domicile ? Homogène, il était matériel; hétérogène, on ne concoit ni son inertie avant le développement, ni son énergie dans l'animal développé. Écoutez-vous, et vous aurez pitié de vous-même, vous sentirez que, pour ne pas admettre une supposition simple qui explique tout, la sensibilité, propriété générale de la matière ou produit de l'organisation, vous renoncez au sens commun et vous précipitez dans un abîme de mystères, de contradictions et d'absurdités.
D'AIernbert. - Une supposition ! Cela vous plaît à dire. Mais si c'était une qualité essentiellement incompatible avec la matière ?
Diderot. - Et d'où savez-vous que la sensibilité est essentiellement incompatible avec la matière, vous qui ne connaissez l'essence de quoi que ce soit, ni de la matière, ni de la sensibilité ? Entendez-vous mieux la nature du mouvement, son existence dans un corps, et sa communication d'un corps à l'autre ?
D'Alembert. - Sans concevoir la nature de la sensibilité, ni celle de la matière, je vois que la sensibilité est une qualité simple, une, indivisible et incompatible avec un sujet ou suppôt divisible
Diderot. -Galimatias métaphysico-théologique. Quoi ? est-ce que vous ne voyez pas que toutes les qualités, toutes les formes sensibles dont la matière est revêtue, sont essentiellement indivisibles ? Il n'y a ni plus ni moins d'impénétrabilité; il y a la moitié d'un corps rond, mais il n'y a pas la moitié de la rondeur; il y a plus ou moins de mouvement, mais il n'y a ni plus ni moins mouvement; il n'y a ni la moitié, ni le tiers, ni le quart d'une tête, d'une oreille d'un doigt, pas plus que la moitié, le tiers, le quart d'une pensée. Si dans l'univers il n'y a pas une molécule qui ressemble à une autre, dans une molécule pas un point qui ressemble à un autre point, convenez que l'atome même est doué d'une qualité, d'une forme indivisible; convenez que la division est incompatible avec les essences des formes, puisqu'elle les détruit. Soyez physicien, et convenez de la production d'un effet lorsque vous le voyez produit quoique vous ne puissiez vous expliquer la liaison de là cause à l'effet. Soyez logicien, et ne substituez pas à une cause qui est et qui explique tout une autre chose qui ne se concoit pas, dont la liaison avec l'effet se concoit encore moins, qui engendre une multitude infinie de difficultés, et qui n'en résout aucune.
D'Alembert. - Mais si je me dépars de cette cause ?
Diderot. - Il n'y a plus qu'une substance dans l'univers, dans l'homme, dans l'animal. La serinette est de bois, I'homme est de chair. Le serin est de chair, le musicien est d'une chair diversement organisée; mais l'un et l'autre ont une même origine, une même formation, les mêmes fonctions et la même fin.
BICHAT
LOIS PHYSIQUES ET LOIS VITALES
Bichat, Recherches physiologiques sur la vie et la mort.
Première partie. Article Premier. Division générale de la vie
On cherche dans des considérations abstraites la définition de la vie; on la trouvera, je crois, dans cet aperçu général: La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort.
Tel est en effet le mode d'existence des corps vivants, que tout ce qui les entoure tend à les détruire. Les corps inorganiques agissent sans cesse sur eux; eux-mêmes exercent les uns sur les autres une action continuelle; bientôt ils succomberaient s'ils n'avaient en eux un principe permanent de réaction. Ce principe est celui de la vie; inconnu dans sa nature, il ne peut être apprécié que par ses phénomènes; or, le plus général de ces phénomènes est cette alternative habituelle d'action de la part des corps extérieurs, et de réaction de la part du corps vivant, alternative dont les proportions varient suivant l'âge.
Il y a surabondance de vie dans l'enfant, parce que la réaction surpasse l'action. L'adulte voit l'équilibre s'établir entre elles, et par là même cette turgescence vitale disparâître. La réaction du principe interne diminue chez le vieillard, l'action des corps extérieurs restant la même; alors la vie languit et s'avance insensiblement vers son terme naturel, qui arrive lorsque toute proportion cesse.
La mesure de la vie est donc, en général, la différence qui existe entre l'effort des puissances extérieures, et celui de la résistance intérieure. L'excès des unes annonce sa faiblesse; la prédominance de l'autre est l'indice de sa force.
Première partie, article Vll. §1. Différence des forces vitales d'avec les lois physiques
L'invariabilité des lois qui président aux phénomènes physiques permet de soumettre au calcul toutes les sciences qui en sont l'objet; tandis qu'appliquées aux actes de la vie, les mathématiques ne peuvent jamais offrir de formules générales. On calcule le retour d'une comète, les résistances d'un fluide parcourant un canal inerte, la vitesse d'un projectile, etc.; mais calculer, avec Borelli, la force d'un muscle, avec Keil, la vitesse du sang, avec Jurine, Lavoisier, etc., la quantité d'air entrant dans le poumon, c'est bâtir sur un sable mouvant un édifice solide par lui-même, mais qui tombe bientôt faute de base assurée.
Cette instabilité des forces vitales, cette facilité qu'elles ont de varier à chaque instant en plus ou en moins, impriment à tous les phénomènes vitaux un caractère d'irrégularité qui les distingue des phénomènes physiques, remarquables par leur uniformité: prenons pour exemple les fluides vivants et les fluides inertes. Ceux-ci, toujours les mêmes, sont connus quand ils ont été analysés une fois avec exactitude; mais qui pourra dire connaître les autres d'après une seule analyse, ou même d'après plusieurs faites dans les mêmes circonstances ? On analyse l'urine, la salive, la bile, etc., prises indifféremment sur tel ou tel sujet; et de leur examen résulte la chimie animale; soit, mais ce n'est pas là la chimie physiologique; c'est, si je puis parler ainsi, I'anatomie cadavérique des fluides. Leur physiologie se compose de la connaissance des variations sans nombre qu'éprouvent les fluides suivant l'état de leurs organes respectifs.
L'urine n'est point après le repas, ce qu'elle est après le sommeil; elle contient dans l'hiver des principes qui lui sont étrangers dans l'été, où les excrétions principales se font par la peau; le simple passage du chaud au froid peut, en supprimant la sueur, en affaiblissant l'exhalation pulmonaire, faire varier sa composition. Il en est de même des autres fluides: l'état des forces vitales dans les organes qui en sont la source, change à chaque instant. Ces organes doivent donc eux-mêmes éprouver des changements continuels dans leur mode d'action, et par conséquent faire varier les substances qu'ils séparent du sang.
Qui osera croire connâître la nature d'un fluide de l'économie vivante, s'il ne l'a analysé dans l'enfant, l'adulte et le vieillard, dans la femme et dans l'homme, dans les saisons diverses, pendant le calme de l'âme et l'orage des passions qui, comme nous l'avons vu, en influencent si manifestement la nature, à l'époque des évacuations menstruelles, etc. ? Que serait-ce, s'il fallait connâître aussi les altérations diverses dont ces fluides sont susceptibles dans les maladies ?
L'instabilité des forces vitales a été l'écueil où sont venus échouer tous les calculs des physiciens-médecins du siècle passé. Les variations habituelles des fluides vivants qui dérivent de cette instabilité, pourraient bien être un obstacle non moins réel aux analyses des chimistes-médecins de celui-ci.
Il est facile de voir, d'aprés cela, que la science des corps organisés doit être traitée d'une manière toute différente de celles qui ont les corps inorganiques pour objet. Il faudrait, pour ainsi dire, y employer un langage différent; car la plupart des mots que nous transportons des sciences physiques dans celle de l'économie animale ou végétale nous y rappellent sans cesse des idées qui ne s'allient nullement avec les phénomènes de cette science.
Si la physiologie eût été cultivée par les hommes avant la physique, comme celle-ci l'a été avant elle, je suis persuadé qu'ils auraient fait de nombreuses applications de la première à la seconde, qu'ils auraient vu les fleuves coulant par l'action tonique de leurs rivages, les cristaux se réunissant par l'excitation qu'ils exercent sur leur sensibilité réciproque, les planètes se mouvant parce qu'elles s'irritent réciproquement à de grandes distances, etc. Tout cela paraîtrait bien éloigné de la raison, à nous qui ne voyons que la pesanteur dans ces phénomènes; pourquoi ne serions-nous pas aussi voisins du ridicule, lorsque nous arrivons avec cette même pesanteur, avec les affinités, les compositions chimiques, et un langage tout basé sur ces données fondamentales, dans une science où elles n'ont que la plus obscure influence ? La physiologie eût fait plus de progrès, si chacun n'y eût pas porté des idées empruntées des sciences que l'on appelle accessoires, mais qui en sont essentiellement différentes.
La physique, la chimie, etc., se touchent, parce que les mêmes lois président à leurs phénomènes; mais un immense intervalle les sépare de la science des corps organisés, parce qu'une énorme différence existe entre leurs lois et celles de la vie. Dire que la physiologie est la physique des animaux, c'est en donner une idée extrêmement inexacte; j'aimerais autant dire que l'astronomie est la physiologie des astres.
KANT: LES CORPS ORGANISÉS COMME FIN NATURELLE
On dit beaucoup trop peu de la nature et de son pouvoir dans les produits organisés quand on nomme ce pouvoir un analogon de l'art; car, dans ce cas, on se représente l'artiste (un être raisonnable) comme extérieur à elle. Elle s'organise bien plutôt elle-même et dans chaque espèce de ses produits organisés, en suivant certes dans toute l'espèce un seul et même modèle, mais pourtant aussi avec des écarts appropriés qu'exige, en fonction des circonstances, la conservation de soi-même. On s'approche peut-être davantage de cette qualité insondable quand on la nomme un analogon de la vie; mais dans ce cas, il faut, ou bien doter la matière comme simple matière d'une propriété (hylozoïsme) qui entre en contradiction avec son essence, ou bien lui associer un principe étranger qui serait avec elle en communauté (une âme): auquel cas, alors, si un tel produit doit être un produit de la nature, ou bien la matière organisée se trouve déjà présupposée comme instrument de cette âme, ce qui ne la rend pas plus compréhensible, ou bien il faut faire de l'âme l'artiste de cette construction et ainsi soustraire le produit à la nature (physique). Précisément parlant, l'organisation de la nature n'a donc rien d'analogue avec une quelconque causalité dont nous avons connaissance.
KANT, Critique de la faculté de juger
BERGSON
LA VIE EXIGE UNE NOUVELLE LOGIQUE
“...Nous sentons bien qu'aucune des catégories de notre pensée, unité, multiplicité, causalité mécanique, finalité intelligente, etc., ne s'applique exactement aux choses de la vie: qui dira où commence et où finit l'individualité, si l'être vivant est un ou plusieurs, si ce sont les cellules qui s'associent en organisme ou si c'est l'organisme qui se dissocie en cellules ? En vain nous poussons le vivant dans tel ou tel de nos cadres. Tous les cadres craquent. Ils sont trop étroits, trop rigides surtout pour ce que nous voudrions y mettre. Notre raisonnement, si sûr de lui quand il circule à travers les choses inertes, se sent d'ailleurs mal à son aise sur ce nouveau terrain. On serait fort embarrassé pour citer une découverte biologique due au raisonnement pur. Et, le plus souvent, quand l'expérience a fini par nous montrer comment la vie s'y prend pour obtenir un certain résultat, nous trouvons que sa manière d'opérer est précisément celle à laquelle nous n'aurions jamais pensé.”
Bergson, L’Évolution créatrice (1907)
François Jacob
LE PROGRAMME: TÉLÉOLOGIE ET NOUVEL ÂGE DU MÉCANISME
L'hérédité se décrit aujourd'hui en termes d'information, de messages, de code. La reproduction d'un organisme est devenue celle des molécules qui le constituent. Non que chaque espéce chimique possède l'aptitude à produire des copies d'elle-même. Mais parce que la structure des macromolécules est déterminée jusque dans le détail par des séquences de quatre radicaux chimiques contenus dans le patrimoine génétique. Ce qui est transmis de génération en génération, ce sont les « instructions » spécifiant les structures moléculaires. Ce sont les plans d'architecture du futur organisme. Ce sont aussi les moyens de mettre ces plans à exécution et de coordonner les activités du système. Chaque œuf contient donc, dans les chromosomes rcçus de ses parents, tout son propre avenir, les étapes de son développement, la forme et les propriétés de l'être qui en émergera. L'organisme devient ainsi la réalisation d'un programme prescrit par l'hérédité. À l'intention d'une Psyché s'est substituée la traduction d'un message. L'être vivant représente bien l'exécution d'un dessein, mais qu'aucune intelligence n'a concu. Il tend vers un but, mais qu'aucune volonté n'a choisi. Ce but, c'est de préparer un programme identique pour la génération suivante. C'est de se reproduire.
Un organisme n'est jamais qu'une transition, une étape entre ce qui fut et ce qui sera. La reproduction en constitue à la fois l'origine et la fin, la cause et le but. Avec le concept de programme appliqué à l'hérédité, disparaissent certaines des contradictions que la biologie avait résumées par une série d'oppositions: finalité et mécanisme, nécessité et contingence, stabilité et variation. Dans l'idée de programme viennent se fondre deux notions que l'intuition avait associées aux êtres vivants: la mémoire et le projet. Par mémoire s'entend le souvenir des parents que l'hérédité trace dans l'enfant. Par projet, le plan qui dirige dans le détail la formation d'un organisme. Autour de ces deux thèmes ont tourné bien des controverses...
François Jacob, La logique du vivant. Une histoire de l’hérédité
LA PERSONNE
La notion de droit à la vie est liée à celle de personne. En effet, dans une perspective kantienne, « le respect s'applique toujours uniquement aux personnes, jamais aux choses » (Critique de la raison pratique, 1, 1, 3). Les personnes en effet doivent être respectées, c'est-à-dire considérées comme des fins en soi. Mais le droit ne dit pas ce qui fait une personne, et on a fait deux réponses principales à cette question: soit la personne existe dès la conception; soit ce concept juridique désigne un être raisonnable et autonome. La personne reconnue par le droit est considérée comme acteur libre (donc ayant des droits) et responsable (donc ayant des devoirs).
La notion de personne a son origine dans un contexte théologique: elle est liée à celle d'être raisonnable. Thomas d'Aquin reprend la définition boécienne de la personne comme une subsrance individuelle, ayant un mode parfait d'exister (per se). Les substances raisonnables ont la maîtrise de leurs actes, elles ne sont pas simplement agies, elles agissent par elles-mêmes (Somme théologique, 1, Qu. 29, Art. 1). La personne s'épanouit en même temps qu'elle se désubstantialise, dans l'œuvre de Locke, qui laïcise la notion, en liant l'unité de la personne à la continuité de la conscience réflexive de soi. L'idée d'une source autonome d'activité demeure néanmoins centrale. C'est elle qui fonde la possibilité de l'évaluation éthique du cursus personae. Un être conscient et libre produit des actes qu'on peut juger, tandis que le cursus naturae se produit tout simplement. Il est clair que l'embryon n'est pas une personne, en ce sens qu'il ne dispose d'aucune autonomie. Mais la restriction de la personne à l'autonomie ne va pas sans problème: qui est vétitablement autonome ? quand commence-t-on à être une personne ? Et cesse-t-on d'en être une en vieillissant, ou à la suite d'un accident ? Pour sortir des difficultés posées par la stricte dichotomie choses-personnes, la notion de personne humaine potentielle a été proposée par les comités d'éthique. Elle est rejetée aussi bien par les tenants de la personne comme vie jaillissante que par ceux de la personne comme autonomle rationnelle. Cette notion est, de fait, porteuse d'ambiguïtés: notamment sur le statut de la potentialité de cette personne. Les premiers réclament la présence actuelle, pleine et entière de la personne dans l'embryon; les seconds ne voient aucune personne en puissance, tout au plus accordent-ils une personne possible. Par ailleurs, ce concept semble trop prouver: ainsi, un couple qui ne procrée pas, ne devient-il pas coupable, dès lors qu'on suppose qu'il pourrait peut-être engendrer un génie potentiel ?
Thierry Hoquet, La vie
• DROIT A LA VIE
Depuis 1945, on peut constater un glissement sémantique dans la notion de droit à la vie. Dans un premier temps, en 1945, le droit à la vie sert de contrepoids au droit de vie et de mort dont se réclame l'État totalitaire sur ses membres, et la notion sert à refonder les droits de l'homme contre les menaces de persécution, de torture, de génocide. « Vie » signifie alors personne humaine (autonome), et le droit qui l'accompagne est une reformulation de l'humanisme. Un second niveau désigne non plus les droits de la personne humaine, mais les droits de la vie humaine en tant que telle, détachée du concept d'autonomie qui fait la personne. Le droit à la vie concerne alors les embryons avant leur naissance, et il se renverse en un droit à la mort, pour les personnes qui souhaitent bénéficier de l'euthanasie. Enfin, le droit à la vie peut être lu comme le droit du vivant global, droit de toutes les formes de vie. Dans cette dernière acception, la notion de droit à la vie sert à rabaisser la technoscience et à limiter les velléités humaines de maîtriser la nature. Après les droits de l'homme, les droits de la femme, les droits de l'enfant, il y aurait les droits des animaux et les droits du vivant. On notera cependant que les vivants ne peuvent être sujets de droit: on ne peut les personnifier, puisqu'ils ne peuvent exercer effectivement ces droits, et doivent toujours s'en remettre sur ce point à des associations et à des humains, pour leur représentation en justice.
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1)
Une serinette est un petit orgue de barbarie, en usage pour apprendre à chanter plusieurs airs. Conçue sur le modèle de l'orgue, la serinette est composée de deux soufflets ou d'un soufflet double.
2)
On peut en revanche jeter quelque lumière sur une certaine liaison, qui se rencontre toutefois davantage dans l'ldée que dans la réalité, en recourant à une analogie avec les fins naturelles immédiates que l'on a indiquces. Ainsi, à propos de la transformation complète qui s'est trouvée récemment entreprise d'un grand peuple en un État, on s'est servi fréquemment du mot organisation d'une manière fort appropriée pour l'institution des magistratures, etc., et même du corps politique tout entier. Car chaque membre, à vrai dire, ne doit pas, dans un tel tout, être simplement moyen, mais il doit aussi, en même temps, être fin, er tandis qu'il coopère à la possibilité du tout, il doit en retour être déterminé, quant à sa place et à sa fonction, par l'ldée du tout note de Kant.
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